Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 6.djvu/953

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de ces 180 gravures et des 16 chromolithographies qui les accompagnent. Depuis les catacombes jusqu’à nos jours, aucune des grandes écoles, aucune des grandes manifestations de l’art chrétien n’a été négligée par le metteur en œuvre. Voyez, dès la première page, le Triomphe éternel du Christ ; c’est un fragment de la fresque grandiose que Raphaël en 1508 peignait au Vatican dans la chambre de la Signature. La Dispute du Saint-Sacrement est le chef-d’œuvre de la peinture chrétienne. Des esprits subtils ou des âmes étroites pourront dire que, si Raphaël avait le génie du beau, le sentiment chrétien lui manquait ; , nous sommes heureux pour notre part de voir une partie de la Dispute du Saint-Sacrement choisie pour représenter dans ce recueil le triomphe éternel du Dieu de l’Évangile. N’est-ce pas dans cette composition immortelle que le peintre a groupé autour de l’autel, non-seulement les plus grands penseurs du moyen âge dans la libre variété de leur génie, les dogmatiques à côté des mystiques, les timides auprès des téméraires, saint Thomas et saint Bonaventure, Pierre Lombard et Duns Scot, mais encore le plus hardi des poètes et le plus courageux des tribuns, Dante et Savonarole ? En rappelant une telle page au début de son recueil, M. D. Dumoulin en a marqué le caractère.

Parcourez maintenant le livre tout entier, vous y trouverez des spécimens des écoles les plus différentes, comme pour indiquer sous l’action du Christ l’abondance des inspirations et la liberté des talens. A propos de la création de l’homme, voici deux œuvres absolument opposées : un bas-relief que Jean de Pise au XIIIe siècle a sculpté pour la cathédrale d’Orviéto, et. la fresque peinte par Michel-Ange dans la chapelle Sixtine. Jean de Pise est simple, naïf, et sa reconnaissance envers le créateur s’exprime avec une familiarité charmante ; il s’applique à montrer la tendresse et le respect de Dieu pour l’être qu’il a formé à son image. La fresque de Michel-Ange fait éclater avec une vigueur incomparable la majesté de la toute-puissance ; un élan de l’incréé, un geste de l’éternel appelle l’homme à la vie. Ainsi, suivant les âges, la même foi inspire des œuvres dissemblables. Les premiers siècles chrétiens ne parlent pas comme le moyen âge, le moyen âge ne parle pas comme la renaissance. Bien plus, dans la même période, chaque peuple a son langage. Ces gravures si originales de Wohlgemuth ou d’Albert Durer qui font partie du cabinet de M. Didot expriment-elles le même sentiment, le même esprit, la même inspiration que les larges gravures de Marc Antoine d’après les cartons de Raphaël ou de Baccio Bandinelli ? Non certes, et cependant au fond des cœurs. la foi en Jésus est la même. Ce recueil de figures, qui commence aux catacombes et nous conduit jusqu’à Hippolyte Flandrin, fournit bien des comparaisons de ce genre et ouvre de lumineux horizons à la philosophie chrétienne.

Il est fâcheux que le texte ne réponde pas mieux à cette haute