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de ces folies où les traitans et les gens de cour se disputent le droit de révolter la conscience et le bon sens, le portraitiste nous retrace les mœurs de cette bourgeoisie de province et même de Paris, si longtemps résignée à la simplicité que l’orgueil de la noblesse lui imposait légalement ; il peint encore, sans chercher à forcer les tons, la misère de ce peuple, de ces paysans, dont tant de siècles de servage n’avaient pas, chose étrange, altéré le naturel bon et jovial, et que la liberté devait si vite dépraver et pousser à des crimes si imprévus. Ne sont-ce pas là des contrastes d’où jaillissent des lumières terribles ? Celui qui les amène a beau semer à profusion les gravures empruntées de préférence aux maîtres les plus enjoués, il ne peut soustraire le lecteur aux réflexions graves qu’il semble faire naître involontairement. Voilà comment il mérite fréquemment le nom de peintre d’histoire, alors qu’il ne prétend lui-même crayonner que de légères esquisses.


CH. TIMBAL.


Jésus-Christ, par M. Louis Veuillot, 1 vol. grand in-8o ; Didot.


La librairie Didot vient de publier un splendide volume intitulé simplement Jésus-Christ. On sait que le docte éditeur possède une collection, non-seulement de livres rares et de précieux manuscrits, mais de tableaux, de dessins, de gravures, qui appartiennent à toutes les époques de l’art. Il est naturel que l’art chrétien y occupe une place considérable. M. Didot, en publiant ce volume, a eu la bonne pensée de faire participer le public à une partie de ces richesses. M. D. Dumoulin, chargé par lui de combiner une œuvre où quelques-uns de ces monumens, reproduits par la gravure ou la chromolithographie, pussent trouver place et se faire mutuellement valoir, n’a eu qu’à en rapprocher les principaux chefs-d’œuvre de l’art chrétien, aux diverses périodes de son développement. Il a fait un choix habile de ces pages éclatantes, les unes empruntées aux grands musées de l’Europe, les autres détachées de l’ombre des sanctuaires, celles-ci toutes récentes, celles-là portant la trace des vieux âges et aussi saintes que des reliques. Ce choix présente à l’esprit un abrégé de l’histoire de l’art depuis dix-huit cents ans, et en même temps il en résulte une haute pensée qui n’a échappé certainement ni à M. Didot, ni à son intelligent collaborateur M. D. Dumoulin. Cette variété de figures plastiques, cette diversité de conceptions, cette richesse d’interprétations et de commentaires, la naïveté des uns, la noblesse des autres, ici une familiarité touchante, là une sublime âpreté, tout cela, pour un lecteur attentif, était destiné à mettre en lumière la fécondité toujours renouvelée du principe de vie que le Christ a déposé dans le monde.

Telle est en effet l’impression que produit l’harmonieux arrangement