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divers princes, dames et seigneurs, enchâssés dans les lambris, » certainement de la main du célèbre esmailleur du roy. Ces pièces-là, vous les voyez encore au Louvre ou à Ferrières ; mais il y avait bien d’autres curiosités outre le cabinet des miroirs, avec « ses cent vingt-neuf miroirs de Venise et ses quatre-vingt-trois portraits enchâssés dans les lambris. » et le cabinet de la reine, dont le plafond laisse pendre « des peaux de crocodiles et un grand massacre de cerfs » au-dessus des armoires où reluisent dans l’ombre et sur les tentures de velours noir les gaufrures d’or de ses livres de prédilection : les prophéties des, sibylles, le calendrier grégorien, et ces cartes de géographie où elle suivait, rêveuse, les grandes découvertes du siècle. Que de pièces de velours, de satin, que de crépines et de passementeries, que de vases d’argent, entremêlés aux marbres, aux albâtres de ces jolis cabinets dont elle avait apporté la mode en France ! Tant de richesses sont devenues la proie du temps et des révolutions, du moins la riche bibliothèque où la reine avait réuni 4,500 volumes nous est restée. Jacques de Thou la fit rentrer en 1594 dans le domaine de la couronne, et elle est aujourd’hui presque tout entière dans le grand musée national de la rue Richelieu. Voilà des renseignemens qui doubleront l’intérêt de bien des promenades ; en les rassemblant, M. Bonnaffé n’a peut-être voulu faire qu’un livre pour les curieux : il se pourrait que plus d’un érudit lui trouvât la valeur d’un plaidoyer, même celle d’un chapitre d’histoire.

C’est encore un travail d’historiographe que le livre de M. Paul Lacroix intitulé le Dix-huitième siècle, institutions, usages et costumes. Paru à la suite des études publiées déjà par le même auteur sur le moyen âge et la renaissance, ce nouvel ouvrage semblerait n’avoir pas d’autre but que celui de venir une fois de plus en aide aux amateurs d’art et de répondre, avec une mesure discrète, à ce besoin d’érudition que les désœuvrés eux-mêmes sont quelquefois tout étonnés de ressentir. Cependant il est facile de constater dans le ton général du livre une tendance à sortir du cadre de la description pour se laisser aller à la narration des faits, à les juger, à en faire ressortir les causes et les conséquences. Quoi de plus étranger en apparence à la gravité de l’histoire que ce chapitre consacré à la cuisine et à la table chez les financiers et les grands seigneurs de l’ancien régime ? Le chroniqueur pouvait se contenter de décrire ces dîners où le luxe de la chère le disputait à la somptuosité du couvert ; il va plus loin, il nous fait comprendre les effets de ce gaspillage sans pudeur d’un argent si mal dépensé, souvent si mal acquis, l’on s’explique les souvenirs que laissèrent derrière eux Ces désordres devenus publics et dont ceux qui s’y livraient mettaient une sorte de gloire à se vanter. Vitellius lui-même n’est-il pas dépassé par ce Verdelet qui fit un jour une dépense de 1,200 livres pour un seul plat composé uniquement de langues de carpes ? En même temps, à côté