Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 6.djvu/945

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus bas, arrive un paragraphe où les libéraux déclarent qu’ils veulent rester dans la maison de leurs pères, et cela veut dire assez nettement qu’ils ne se contentent pas de rester fidèles à leurs convictions et de garder la liberté de les professer, mais qu’ils entendent, malgré la majorité protestante, les prêcher au sein même de l’église protestante en bénéficiant du budget réservé à la communion protestante.

Il nous semble que la raison publique est profondément intéressée à tirer au clair cette confusion. La façon dont on comprend aujourd’hui la liberté des consciences individuelles la négation est même de la société et nous menace de la plus mauvaise des tyrannies. Que les dissidens de l’église réformée professent leur religion sans dogme, qu’ils soient libres d’attaquer la foi ou l’inspiration de la Bible, nul n’y fait obstacle ; mais, quand ils prétendent s’imposer à une église dont ils ont abandonné les croyances, quand ils réclament le droit d’en exercer les charges et d’en toucher les émolumens pour l’empêcher de propager sa foi, — ils ne sont plus du tout les champions de la liberté ; ils combattent tout simplement pour la domination.

Sans doute il y a des intérêts engagés, des positions prises ; si les libéraux se sont établis dans l’église, la loi et la majorité orthodoxe y ont aidé, et, autant que possible, il est bon de tenir compte de ces faits. Il est vrai que la position des pasteurs déjà en exercice n’est nullement menacée ; mais cela ne suffit pas pour liquider le passé. Que le gouvernement avise pour le mieux, qu’il reconnaisse deux églises au lieu d’une seule, ou qu’il autorise entre les deux partis un partage à l’amiable des temples, à la condition que, là où il n’y a qu’un lieu de culte, il restera aux protestans qui y ont des droits légaux, — nous ne voyons pas de mal à cela. Bien plus, comme dénoûment de la difficulté du présent et comme pierre d’attente pour l’avenir, cela nous semblerait une bonne solution. Du reste, tout plutôt qu’un mensonge, qui appelle du même nom l’eau et le feu, ou qu’une injustice, qui refuserait à une société reconnue le droit d’être une chose plutôt qu’une autre.

Malheureusement le radicalisme des libéraux rend tout compromis fort difficile. Dans un mémoire qu’ils viennent de remettre au ministre, ils énoncent une grosse prétention, celle d’être reconnus, non pas comme une secte nouvelle, mais comme une branche de l’église réformée, — et l’explication de cette prétention se trouve dans une autre encore plus énorme. Ils arguent de ce que leur descendance est connue pour refuser de dire ce qu’ils sont devenus ; ils soutiennent qu’il n’y a pas lieu d’exiger qu’ils fassent connaître leurs principes. Nous concevons que cela serait fort embarrassant pour eux, car en réalité le libéralisme n’est qu’une coalition d’opinions de tout genre. Il fait nombre pour voter contre les orthodoxes, à peu près comme au sein de l’église catholique on aurait une forte opposition, si l’on appelait tous les