Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 6.djvu/940

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

militaires sur lesquels il comptait, le général Rivas, le général Arredondo, il s’emparait de deux canonnières qui le rendaient maître du fleuve. Une partie de la jeunesse de Buenos-Ayres allait rejoindre les insurgés. La situation ne laissait pas d’être critique pour M. Avellaneda le jour où il prenait la présidence. Il ne s’est point laissé ébranler cependant, et, de concert avec M. Alsina, qu’il a fait ministre de la guerre, il s’est disposé à soutenir la lutte. Il a rassemblé tout ce qu’il a pu trouver de forces et de ressources, et par le fait cette guerre civile nouvelle, où l’insurrection semblait avoir de grandes chances, est peut-être déjà dénouée, s’il est vrai que les forces révoltées aient été battues dès les premières rencontres, que le général Mitre et ses lieutenans aient été obligés de se rendre à merci. Malheureusement, si courte qu’ait été cette guerre civile, c’est une épreuve sérieuse pour tous les intérêts, d’autant plus sérieuse que les personnages les plus riches du pays se trouvaient engagés dans l’insurrection, et qu’ils vont être menacés dans leur fortune. La révolution, vaincue une première fois, ne reparaîtra-t-elle pas un jour ou l’autre avec des forces nouvelles ? Ce n’est peut-être que le commencement d’une recrudescence d’agitations intérieures pour cette république, qui n’a connu quelques années de paix que pour voir sa prospérité naissante de nouveau compromise.


CH. DE MAZADE.



L’ÉGLISE REFORMÉE ET LE DERNIER MÉMOIRE DES LIBÉRAUX.


La France depuis quelque temps a été assez entretenue de l’église réformée pour savoir au moins qu’il s’est produit une scission dans son sein, et qu’à son égard le gouvernement a eu d’importantes décisions à prendre ; mais la France ne connaît guère les choses protestantes, et, sauf une ou deux exceptions, ceux qui lui ont parlé ont été tellement dominés par leurs théories particulières, tellement peu soucieux de se placer au point de vue de l’intérêt général du pays, qu’elle risque fort de se prononcer ou de juger la décision de son gouvernement sans savoir de quoi il est question, — et cependant il est positivement question d’un principe de droit public qui intéresse la nation entière.

Rien n’a plus embrouillé l’affaire que les noms donnés aux deux partis de l’église réformée. Parce qu’il y avait d’un côté des orthodoxes et de l’autre des hommes appelés libéraux, les amis comme les ennemis de la libre pensée ont cru qu’il s’agissait d’un débat entre le principe d’autorité et le principe de liberté en matière de foi ; mais en réalité il ne s’agissait de rien de pareil. Que l’on nous permette d’abord de rappeler brièvement les faits.

En l’an X, quand le protestantisme, longtemps proscrit et réduit par la persécution à l’état moléculaire, retrouva une existence légale, le