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la séduction d’un patriotisme supérieur, ils croient plus habile de négocier avec toutes les petites exigences, les répugnances ou les amours-propres. Ils passent leur temps à se faire les médiateurs méticuleux de transactions toujours fuyantes, et, lorsqu’ils échouent, ils se plaignent d’un mal dont ils sont un peu les auteurs ou les complices. En réalité, quel est le fond des choses ? Qu’est-ce qui empêche cette souhaitable alliance de tous les élémens libéraux et conservateurs qui vont des frontières de la droite modérée aux frontières de la gauche modérée ? Que ces divers groupes ne s’entendent pas sur bien des points politiques, qu’ils reprennent plus tard leur liberté dans la pratique parlementaire, rien n’est plus simple. Il s’agit d’abord aujourd’hui d’une œuvre de circonstance nécessaire, impérieuse, que les uns et les autres ont un égal intérêt à réaliser dans des conditions favorables pour le pays et pour eux-mêmes.

Tout se résume dans une certaine résolution première à prendre et dans un certain nombre de lois. Met-on en doute la nécessité d’organiser ce régime qui a été créé le 20 novembre 1873 ? Conteste-t-on même ce titre de président de la république sous lequel M. le maréchal de Mac-Mahon a été appelé à exercer le pouvoir ? Non : pour les uns, c’est une concession ; pour les autres, c’est une garantie. Les monarchistes acceptent la république, parce qu’elle n’est que le septennat ; les républicains acceptent la septennalité, parce qu’elle s’appelle la république : en définitive, c’est un point admis. Il y a une loi électorale à faire : soulève-t-elle des objections décisives ? y a-t-il quelque incompatibilité absolue d’opinions ? Non, le suffrage universel est respecté par tous ; les conditions de l’électorat varient tout au plus dans quelques détails ; la seule question délicate à trancher est celle du vote par scrutin de liste ou par arrondissement, et sur ce point les idées sont très mêlées. Il y a des divergences à droite comme à gauche. Il y a une seconde chambre à créer : est-ce là qu’éclate la mésintelligence ? Non, tout le monde est à peu près d’accord sur la nécessité d’une assemblée modératrice dans l’organisation d’un régime régulier. La composition de la seconde chambre n’est point évidemment sans importance et ne laisse pas de partager les esprits ; on ne ferait rien dans tous les cas, si on se bornait à reconstituer un sénat impérial d’enregistrement, si par une formation sérieuse on ne donnait à cette assemblée assez d’indépendance et de force pour remplir un rôle efficace, et ceci n’est même plus une affaire de parti. Reste la grosse difficulté, celle du caractère définitif ou transitoire de ce régime qu’on se propose d’organiser. Après tout, la question est tranchée ou sauvée, si l’on veut, par la réserve de la souveraineté nationale, du droit de révision à l’issue du septennat, et ceux qui attachent le plus de prix à cette réserve n’entendent point à coup sûr créer des institutions débiles, insuffisantes, uniquement pour