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plorable et ruineux système en vigueur se prolonge, c’est aux Folies-Dramatiques et aux Variétés que nous aurons bientôt à courir, si nous voulons avoir des nouvelles de la Dame blanche et de Fra Diavolo. En étendue et comme développemens de toute sorte, la partition des Amours du Diable dépasse les proportions ordinaires des œuvres du même auteur. C’est de l’opéra comique élargi, pittoresque, et s’élevant par momens au pathétique. Ceux qui préfèrent le Grisar des petits cadres peuvent avoir raison, chacun pourtant reconnaîtra dans cette musique un certain souffle chaleureux, remuant, et qui, s’il n’est l’inspiration même, y ressemble du moins beaucoup. Style relâché, italianisme et donizettisme, disent les mécontens, trop souvent en effet la contexture laisse à désirer, je l’avoue ; mais rien ne m’empêchera d’applaudir sans réserve au trio de la fin, que je déclare un pur chef-d’œuvre de sentiment et d’expression dramatiques. Parlerai-je maintenant de la nouvelle distribution imposée aux Amours du Diable pour la circonstance ? du luxe des décors et des costumes ? des ballets de M. Salvayre (prix de Rome), intercalés dans la scène du marché aux esclaves. À quoi bon, et pourquoi discourir sur ce qui ne doit pas avoir de lendemain ? Ces menus détails dans la critique n’ont d’intérêt qu’autant que les chanteurs, le théâtre, le public, peuvent en profiter. On ne discute point ce qui n’a vécu que de la plus éphémère des existences. De ces deux troupes racolées à grands frais, tous les élémens sont en train de se disperser. Déjà Mme Fursch-Madier, qui dans l’ouvrage de M. Membrée figurait la déplorable princesse Maïa, vient de passer à l’Opéra, où nous l’avons entendue l’autre soir chanter la Marguerite de Faust, et non sans un réel talent. La voix a du timbre et de l’expression, le médium est excellent. Ce rôle de Marguerite, tout en nuances, en demi-teinte, convenait mal aux dispositions énergiques de la jeune débutante. L’impression n’en a pas moins été favorable, et cette bienveillance du public s’accusera davantage encore lorsque Mme Madier paraîtra dans un rôle qui lui permettra le libre emploi de tous ses avantages : Alice ou Sélika. Ainsi de M. Prunet, qui, après avoir autrefois joué Faust rue Le Peletier, représentait au Châtelet le paria Gadhy, de Mme Reboux, de M. Nicod, qui, dans les Amours du Diable, tenaient, celui-ci le rôle créé par M. Capoul, celle-là le rôle de Mme Galli-Marié. Pour émettre un avis, attendons de retrouver tout ce monde sur des flots moins mouvans, moins incertains, chez M. Bagier par exemple, qui peut-être s’empressera de recueillir les épaves du naufrage.

Ce n’est pas en effet par son personnel que brille notre scène italienne. Qui voudrait se former à la résignation dans l’adversité n’aurait même aujourd’hui qu’à fréquenter Ventadour. Pauvre France ! en être réduite à cet ordinaire après de si fameux festins ! Eh bien ! non, le sort qu’on nous fait est trop lamentable, nous ne pouvons nous y résoudre,