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il a pu être épouvanté du mal que font ces doctrines et ce langage, jamais il ne s’est cru autorisé à rendre coup pour coup et injure pour injure. Quoi de plus facile pourtant ? Quoi de plus légitime peut-être à l’égard des hommes qui veulent absolument faire du catholicisme une secte haineuse et qui éloignent de la religion tant d’âmes scandalisées ? Il a poursuivi sa tâche, toujours calme et souriant, confiant en Dieu, confiant dans les destinées de la France, confiant dans l’esprit chrétien et la politique de concorde.

C’est cette confiance que nous avons jugé utile de recommander aux générations nouvelles. Il ne faut pas laisser croire que le christianisme et la société moderne ne peuvent marcher ensemble. Rien n’est plus faux, rien ne serait plus funeste. Il ne faut pas laisser croire non plus que les choses nouvelles et les choses anciennes, comme dit l’évangéliste, ne puissent être tirées du même trésor et concourir à la même œuvre. Le spectacle des misérables divisions qui paralysent aujourd’hui l’assemblée nationale pourrait accréditer ces erreurs, entretenues à dessein par les partis extrêmes. Il n’y a rien de tel pour les réfuter que l’exemple d’un homme de foi. Voilà pourquoi nous avons tenu à signaler cette noble biographie de M. Augustin Cochin par M. le comte de Falloux. Lorsque M. Cochin mourut le 15 mars 1872, à peine âgé de quarante-neuf ans, dans cette préfecture de Versailles, qu’il avait acceptée par dévoûment à la chose publique, sa suprême pensée fut pour la France et la religion du Christ. Dans une lettre, qu’il dictait de sa voix défaillante et qu’il n’eut pas le temps d’achever, il s’adressait à M. Thiers, à son cher président et ami, pour lui recommander à la fois la vérité éternelle et la vérité du moment. La vérité éternelle, c’était le christianisme ; la vérité du moment, c’était la nécessité d’assurer au plus tôt le salut de la France en lui donnant, sous une forme ou sous une autre, le moyen de se relever. Noble et touchante constance d’une âme véritablement maîtresse d’elle-même ! M. Cochin, jusqu’à la dernière heure, est resté fidèle aux deux idées qui avaient dirigé tous ses travaux : Dieu et la patrie, le christianisme et la société moderne.


SAINT-RENE TAILLANDIER.