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Il eut bientôt une autre occasion de montrer la richesse de ses aptitudes. A la présidence du général Cavaignac, nommé par l’assemblée nationale, avait succédé la présidence du prince Louis-Napoléon, élu par le suffrage universel. Un ministère, à la tête duquel était placé M. Odilon Barrot, réunissait les représentans des nuances diverses dans le libéralisme conservateur, M. Buffet et M. de Tracy, M. Passy et M. de Lanjuinais, M. Dufaure et M. de Tocqueville. M. de Falloux avait accepté dans ce cabinet le portefeuille de l’instruction publique, à la condition expresse qu’il lui serait permis de présenter une loi sur la liberté de l’enseignement secondaire. Il se mit à l’œuvre sans retard et constitua une commission chargée de préparer cette grande transformation. Cette commission était composée dansée sens le plus large, avec une loyauté irréprochable. M. Thiers, l’ancien défenseur de l’enseignement public contre de calomnieuses attaques, y brillait au premier rang. : D’illustres universitaires, M. Cousin, M. Saint-Marc Girardin, M. Dubois, y siégeaient à côté de M. de Montalembert et de l’abbé Dupanloup, oubliant tous leurs dissentimens d’autrefois et rapprochés par un sentiment impartial des nécessités publiques. Le ministre, qui connaissait la valeur de M. Cochin, l’avait appelé à prendre part aux travaux de la commission. La première fois que l’auteur du mémoire sur Pestalozzi prit la parole au milieu de tant de glorieux maîtres, bien que sa voix tremblât un peu, une éloquence qui venait de l’âme frappa immédiatement cette réunion d’élite. « On fut ravi, dit M. de Falloux, par ce mélange de timidité naturelle et de précoce autorité. » Quel était donc ce jeune homme que l’on croyait absorbé par les œuvres de la charité pratique et la réforme des institutions municipales ? Où avait-il puisé ces connaissances précises unies à des vues si élevées ? il se mouvait à l’aise dans les questions les plus ardues, il exposait nettement les difficultés, proposait modestement les solutions ; il était clair, modéré, persuasif, il cherchait le bien avec son cœur et le trouvait avec son esprit. Nous avons découvert un homme, disaient ses collègues charmés, et savez-vous de quel nom ils se servaient pour exprimer leur admiration ? On l’appelait un Thiers catholique. M. Thiers le sut, nous dit M. de Falloux, et ne s’en montra nullement blessé. Bien au contraire, c’est à ces débats de 1849 que remonte la longue amitié de M. Thiers et de M. Cochin. Le jeune orateur admirait, comme tout le monde, le merveilleux esprit de l’homme qui était alors le chef incontesté du parti conservateur, et M. Thiers appréciait très haut ce collègue, à peine connu la veille, qui lui résistait parfois avec autant de franchise que de déférence. Le président de la république en 1871 s’est souvenu de ces impressions de 1841 lorsqu’il a fait venir M. Cochin tout près de lui, à la