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qui rachetait les désordres des rangs supérieurs de l’église, et dont le souvenir a maintenu à travers les crises meurtrières les traditions chrétiennes du pays. Jean-Denis Cochin, curé de Saint-Jacques-du-Haut-Pas, nous apparaît comme un saint au milieu d’une société tombant en ruines. Un des hôpitaux de Paris porte son nom, c’est lui qui l’a construit de ses deniers, du fruit de ses labeurs et de ses quêtes, et, quand il en posa les premières pierres, il ne voulut pas que la cérémonie fût présidée selon l’usage par quelque grand personnage de l’état : il confia cet honneur à deux pauvres choisis parmi les plus méritans.

Enfin, tout près de nous, le père de l’homme dont nous voulons parler ajouta un noble anneau à cette chaîne illustre. Sous la restauration, sous la monarchie de juillet, il fut un grand travailleur municipal ; il dirigea longtemps la mairie du XIIe arrondissement, multiplia les écoles primaires, introduisit en France les salles d’asile dont il avait emprunté la méthode aux Anglais, tint à honneur pendant toute une année de remplir lui-même le rôle de maître, de père, dans ces petites classes enfantines pour mieux assurer le succès d’une innovation si précieuse. Lorsque le choléra fit sa première invasion à Paris en 1832, le vaillant maire montra un tel dévoûment qu’une grande médaille d’honneur lui fut décernée aux applaudissemens de ses concitoyens.

Du XIIIe siècle au XIXe, voilà une grande tradition de vertus civiques soutenues par la foi chrétienne. Ce qui distingue M. Augustin Cochin parmi les représentans de cette forte race, c’est l’intelligence la plus vive des conditions de la société nouvelle. Un sage l’a dit : la chose la plus difficile en temps de révolution, ce n’est pas de faire son devoir, c’est de le connaître. Combien de gens dans le mouvement révolutionnaire qui nous emporte feraient tout naturellement leur devoir, s’ils pouvaient le découvrir ! On sait la belle recommandation du poète latin :

……. Quem te Deus esse
Jussit et humana qua parte locatus es in re
Disce ……….

Lorsque Perse tenait ce langage, ce n’était qu’une indication générale et plus abstraite que pratique. Relisez aujourd’hui les vers du moraliste stoïcien, et vous verrez tout ce qu’ils renferment pour un homme du XIXe siècle. On dirait que M. Augustin Cochin, dès qu’il eut atteint l’âge viril, a été préoccupé de cette science particulière recommandée par le poète. Je ne connais pas d’épigraphe qui résume d’une façon plus expressive cette existence vouée au service de Dieu et au service des hommes. M. Cochin a voulu savoir