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est donc bien fâcheuse, puisque personne ne veut plus la partager. Nous fûmes parfaitement d’accord sur le plan de résistance du roi. Malouet nous répondait à cet égard de M. de Bertrand, de M. de Montmorin et de M. de Lessart ; mais il était impossible de porter plus loin que Louis XVI la faiblesse et l’abaissement. »

Parmi ses moyens de défense, Montlosier et ses amis avaient osé compter les formes constitutionnelles ; or la législative, de plus en plus inquiète, prévoyant la guerre extérieure, ne pouvant se fier au château, arrivait, d’empiétemens en empiétemens, à se mettre en correspondance directe avec les directoires des départemens, et elle renversait le ministère constitutionnel. Pendant quelque temps, Lameth, Duport et Barnave s’étaient pourtant imaginé que les choses pourraient aller. Clermont-Tonnerre, reprenant le livre de Montlosier et l’améliorant, avait remis en faveur le système des deux chambres ; mais comment réaliser cette modification ? Le parti constitutionnel voulait y arriver par l’opinion publique et l’autorité du roi, il repoussait patriotiquement un congrès et l’intervention des puissances étrangères. Les princes et les émigrés au contraire appelaient de leurs vœux les armées ennemies pour punir ceux qu’ils qualifiaient de rebelles et ressusciter l’ancien régime.

Leurs émissaires entretenaient la famille royale dans ces folies. La diplomatie était dans un singulier chaos : il y avait dans les principaux cabinets de l’Europe : 1° un ambassadeur avoué et accrédité par le ministère, 2° un envoyé particulier du roi, 3° un délégué de M. de Breteuil, chargé des pouvoirs de la reine, 4° les représentans des princes. « Tout ce monde-là, écrit Montlosier, s’épiait, s’observait, se contrecarrait à plaisir. En présence des envoyés constitutionnels, tout déconfits, tout honteux, les agens particuliers des princes eurent beau jeu de se prévaloir de la supériorité de leur prévoyance. Partout ils prirent auprès des agens constitutionnels un ton de hauteur et de mépris auquel ceux-ci ne purent tenir. Il leur fut facile aussi de décréditer, de quelque part qu’il vint, tout système de transaction et de constitution, et particulièrement les deux chambres. A cet égard, leur succès fut complet à Vienne, à Berlin ; il le fut bien plus à Saint-Pétersbourg. Des propos très fâcheux étaient tenus, non-seulement contre les fauteurs de ce système, mais encore contre le roi lui-même. Auprès de quelques étourdis, il ne s’agissait pas moins que de nommer un régent et de déclarer la couronne vacante. Dans les cabinets, les dispositions n’allaient pas sûrement jusque-là ; mais au moins les espérances qu’on avait conçues de quelques transactions entre les parties s’effaçaient de plus en plus. » Quant à l’opinion manifestée à différentes reprises par Montlosier sur les émigrés, elle ne varie pas. Il n’y en