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simple ratification du roi ; dans la suite, le roi choisirait parmi les candidats que lui présenteraient les députés ou les provinces. Il pouvait proroger et même dissoudre le corps législatif ; mais dans ce dernier cas il devait faire procéder à de nouvelles élections sans délai. Enfin le roi n’exerçait le pouvoir législatif que par l’acceptation ou le refus de ratifier les lois. Telles étaient les dispositions principales du projet. Qui eût espéré le 5 mai 1789 qu’une pareille constitution serait présentée ? et qui eût pensé aussi que quelques mois après elle serait repoussée et impossible ?

Ce fut le 2 août 1789 que s’ouvrirent les débats. La question de savoir s’il y aurait une déclaration de droits et si on la décréterait d’abord se présenta. Après trois jours de lutte, la parole de Barnave entraîna les irrésolus, et il fut décidé que la déclaration serait votée avant l’acte constitutionnel. Les dispositions du côté droit étaient profondément hostiles à toute réforme politique. La noblesse de province était encore plus intraitable que les grands seigneurs. Tandis que les Noailles, les Grillon, les Montmorency, les Larochefoucauld, les d’Aiguillon, se sentaient gagnés par l’ivresse généreuse du sacrifice et l’amour de la patrie, la grande masse des nouveaux anoblis, de ceux qui n’avaient pas eu d’aïeux tués ou blessés sur nos champs de bataille historiques, n’entendaient pas qu’il y eût de conciliation. Ils commençaient à ne plus écouter, riaient, parlaient haut. Comme ils ne tendaient qu’à jeter la défaveur sur les opérations de l’assemblée, ils sortaient de la salle, lorsque le président posait la question, invitant les députés de leur parti à les suivre, ou, s’ils demeuraient, leur criant de ne point délibérer.

Tous les membres du côté gauche, même Robespierre, votèrent par acclamation, le 28 août, que le gouvernement français était monarchique. Quand on voulut préciser la nature de cette monarchie, un mot d’un député presque inconnu, Wimpfen, eut en ce temps-là. un immense succès. « Le gouvernement de la France, s’écria-t-il, est une démocratie royale, » mot qui en disait plus long que des discours et qui caractérisait avec sincérité les sentimens confus et les idées contradictoires qui agitaient alors le tiers. En même temps qu’elle voulait un roi, l’assemblée était bien résolue à ne le faire régner que sur une seule classe de citoyens. La haine inextinguible que le paysan surtout portait à l’ancien régime montait de jour en jour dans l’âme de la bourgeoisie ; elle s’aiguisait aux frottemens incessans de la vanité. Le spectacle quotidien de l’attitude de la noblesse, le langage de ses journaux, poussaient le tiers à étendre la révolution au-delà du but qu’il s’était proposé.

Trois questions, tenant les unes aux autres et cependant distinctes