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de 358 millions de rentes pour la dette consolidée n’était pas hors de proportion avec la richesse et la grandeur de la France. On pouvait porter allègrement ce poids. A la même époque, la dette consolidée de l’Angleterre était près du double de la nôtre, montant à 650 millions de francs en intérêts. La dette de la Russie et celle de l’Autriche-Hongrie atteignaient presqu’en capital les trois cinquièmes de la dette de la France ; enfin les sommes absorbées annuellement par le paiement des rentes sur l’état ne prélevaient pas le cinquième de l’ensemble des crédits portés à notre budget. La dette flottante, d’un autre côté, allégée par les fonds des récens emprunts, était réduite à des proportions raisonnables, ne s’élevant au 30 juin 1870 qu’à 633 millions. Ainsi notre situation financière, quoiqu’elle eût pu et dû être meilleure, si le gouvernement avait eu plus de prévoyance et de fermeté, n’était pas mauvaise. Les événemens de 1870 et de 1871 devaient singulièrement l’aggraver et porter la dette publique de la France à un chiffre en capital et en intérêts qu’aucune dette de peuple civilisé n’avait encore atteint.


III

Dans une série de documens et de tableaux qu’il fit distribuer à l’assemblée nationale au commencement du mois de novembre 1873, M. Magne, alors ministre des finances, dressait le bilan des charges résultant de la guerre et des ressources avec lesquelles il y avait été fait face. Cette statistique comprenait toutes les dépenses extraordinaires de guerre faites pendant les quatre années de la période 1870-1873 ; on y faisait entrer non-seulement le paiement de l’indemnité exigée par les Allemands et les propres frais de guerre de la France, mais encore l’intérêt des sommes dues à l’Allemagne jusqu’à parfait paiement du capital et les dépenses du compte de liquidation jusqu’à la fin de 1873. Ainsi dressé, ce bilan n’est peut-être pas d’une précision complète ; il donne toutefois une idée suffisamment exacte des charges de la guerre de 1870-1871 ; Ces charges s’élevaient pour la France à 9 milliards 287 millions, en y comprenant les dépenses du compte de liquidation jusqu’à la fin de 1873, et en excluant la contribution de la ville de Paris et les autres contributions municipales.

Une nation qui se voit subitement contrainte de trouver en plus de ses dépenses ordinaires 9 milliards 300 millions, dont 5 milliards doivent être payés à l’étranger, était un phénomène nouveau en Europe. Heureusement pour la France, la crise effroyable qu’elle traversait n’avait que médiocrement déprécié le cours de ses fonds publics et avait complètement respecté le crédit de la Banque de