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5 pour 100, qui était alors fort au-dessus du pair ; ils ne le furent pas même en 4 pour 100, qui était au pair, ni en 3 1/2 pour 100, fonds que l’on aurait pu et dû créer à l’imitation des Anglais : ils furent tous constitués en rentes 3 pour 100. Les hauts cours de la rente 3 pour 100 dans les dernières années du règne de Louis-Philippe sont un phénomène aussi curieux que les bas cours du 5 pour 100 dans les premières années de la restauration. Dans ces deux périodes, notre crédit touche les deux termes extrêmes qu’il ait atteints depuis 1800. En 1814, le 5 pour 100 était descendu à 45 francs ; en 1840, le 3 pour 100 fut à 86 fr. 65 cent. Les trois derniers emprunts contractés par le gouvernement de Louis-Philippe furent adjugés à des cours dont le plus bas est 75 fr. 25 cent, et le plus haut 84 fr. 75 cent, pour la rente 3 pour 100. Le régime d’alors paraissait plus solide que la restauration : n’ayant pas eu à subir la liquidation d’une époque désastreuse, il empruntait moins ; l’activité des affaires était considérable, la richesse mobilière commençait à se former en proportions toujours croissantes, les capitaux trouvaient difficilement des placemens sûrs. Notre 3 pour 100 tendait alors à devenir ce que sont aujourd’hui les consolidés anglais, un titre donnant un intérêt modique, mais ne baissant pour ainsi dire jamais de valeur, s’élevant plutôt chaque jour par une progression constante.

La dette transmise par la restauration au gouvernement de juillet montait à 164 millions de rentes, celle que la monarchie constitutionnelle légua à la république de 1848 s’élevait à un peu moins de 177 millions de rentes. Le règne de Louis-Philippe n’avait donc augmenté notre dette publique que de 12 millions et quelques centaines de mille francs d’intérêts annuels ; les opérations de crédit, soit par la voie d’emprunts, soit par celle de la consolidation des fonds des caisses d’épargne, s’étaient élevées à un chiffre beaucoup plus considérable et avaient créé 38 millions de rentes nouvelles, mais l’amortissement n’avait pas cessé de fonctionner et avait éteint pendant ces dix-huit années 26 millions de rentes. La dette de la France en 1848 était alors la seconde de l’Europe par ordre d’importance, dépassant de 50 pour 100 environ la dette publique de l’Autriche, mais ne représentant que le quart de la dette de l’Angleterre, qui était de 21 milliards de francs en capital et de près de 700 millions de francs en intérêts.

On voit combien peu notre dette avait augmenté dans cette période de paix et de liberté constitutionnelle ; cependant c’était trop que d’augmenter même légèrement, elle aurait dû décroître. Déjà les financiers du règne de Louis-Philippe étaient inférieurs en fermeté et en exactitude à ceux de la restauration. Il y avait plus de laisser-aller et d’entraînement ; les craintes politiques qui