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Les entreprises guerrières du maître qui lança pendant quinze ans la France dans une série d’aventures glorieuses et épuisantes n’eurent pas immédiatement sur l’état de nos finances l’influence perturbatrice qu’il semblerait qu’elles eussent dû exercer. Napoléon était épris de l’ordre et de la bonne administration : il se trouvait admirablement secondé par deux hommes de talent Gaudin et Mollien ; quoiqu’il manquât de la connaissance des vrais principes économiques, ses qualités, comme ses défauts, le portaient à ménager soigneusement les ressources du pays. Il avait en horreur l’emprunt ouvertement conclu, comme une sorte d’aveu de faiblesse de la part d’un gouvernement. Il recourut, il est vrai, à des mesures qui étaient des emprunts détournés : il payait parfois en rentes les fournisseurs de ses armées ; la vente obligatoire au profit de l’état des biens des communes en 1813 et la création de rentes accordées comme compensation aux localités était encore une opération de ce genre. Cependant c’était surtout l’extraordinaire des guerres, les contributions des pays conquis et les réquisitions qui alimentaient les dépenses des armées. On est étonné de la faible augmentation de notre dette nationale sous le régime de 1800 à 1814. Au 1er avril de cette dernière année, les arrérages de la dette consolidée, qui n’était composée que de 5 pour 100, montaient seulement à 63,307,637 francs. Si l’on se rappelle que le consulat avait trouvé une dette de 40 millions, on voit que jusqu’en 1814 il n’y avait été ajouté que 23 millions en intérêts ou 460 millions en capital nominal. Encore doit-on dire que sur cette somme 6 millions de rentes en chiffres ronds représentaient les dettes des pays réunis à la France ; 10 millions de rentes avaient été créées pour pourvoir à l’arriéré et aux dettes criardes que le directoire mourant laissa à la charge de son successeur. Ainsi, de 1800 à 1814, la dette contractée par le consulat ou l’empire pour ses propres besoins ne dépassait pas 7 millions de rentes ou 140 millions de capital nominal.

L’invasion, les cent jours, nos propres frais de guerre dans la courte et dernière campagne de l’empire, l’indemnité exigée par nos vainqueurs, vinrent accroître dans d’énormes proportions cette dette publique si réduite. La restauration se vit dès ses premiers jours dans une situation singulièrement embarrassée, ayant à payer aux alliés 700 millions de contributions de guerre en cinq ans, à entretenir 150,000 hommes de troupes étrangères pendant le même temps, à liquider les dettes que laissait l’empire croulant, à réparer la spoliation dont les émigrés avaient été les victimes, et à consolider ainsi dans les mains de leurs nouveaux détenteurs la propriété des biens nationaux. Il n’entre pas dans notre plan de décrire par quels efforts d’économie et de bonne administration financière tous