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mais à un certain moment on coupait court à ces cérémonies ; qu’elle eût allongées volontiers, on l’entraînait de force et on lui passait au cou le nœud fatal. Pendant ce temps, les hommes frappaient leurs boucliers avec leurs massues pour empêcher les autres jeunes filles d’entendre les cris de leur compagne, « ce qui aurait pu les détourner de mourir un jour pour leur maître ; » puis on allumait le bûcher et l’on tirait un bon augure de la vigueur avec laquelle le vent soufflait la flamme. « A la place où avait été la barque, continue l’auteur musulman, les Russes élevèrent sur le rivage une espèce de tertre au milieu duquel ils placèrent une colonne. On y inscrivit le nom du défunt et celui du prince de Russie. »

Mais cette civilisation à la fois brillante et incomplète, quelles voies-a-t-elle suivies dans ses déplacemens ? Est-il possible d’en marquer les traces d’Orient en Occident ? C’est ce qu’a essayé de faire, au moins sur un point, M. Kondakof, professeur à l’université d’Odessa, dans son mémoire sur les antiquités du Kouban et du Terek. Après un voyage scientifique au Caucase et des études au musée de Tiflis, il a pu présenter au congrès de curieuses photographies d’objets trouvés dans les kourganes de ce pays et remontant parfois à un ou deux siècles avant Jésus-Christ. Destinés à la parure de l’homme ou du coursier de guerre, il y en a en or, en verroterie, en fer, en bronze. Quelques-uns représentent des figures humaines, des boucs, des cerfs, des moutons, traités avec une très grande naïveté, mais dont les traits caractéristiques sont en général bien rendus. Ces figurines rappellent celles qu’on a trouvées dans les tombeaux des rois scythes du Bosphore, ou qui sont représentées sur les murailles des catacombes les plus récemment découvertes près de Kertch. Pour déterminer la vraie signification de cet art barbare, il faudrait connaître exactement l’ethnographie du Kouban et savoir à quel peuple ont appartenu ces objets. En attendant, on peut constater que la même civilisation a régné dans le Bosphore scythique et dans le Kouban, et qu’elle a dû passer du premier dans le second. les Scythes de Panticapée avaient des colonies dans le Caucase septentrional, et ces kourganes sont précisément répandus le long des cours d’eau qui, dans ces pays montagneux, constituent les seules voies de communication. Le domaine de cette civilisation devait s’étendre hors des limites de l’ancienne Scythie, puisque des fouilles faites en Serbie ont amené au jour des objets d’un type analogue.

Après les kourganes et les gorodichtché, une des curiosités les plus piquantes de l’archéologie slave, ce sont les kamennia baby ou bonnes femmes de pierre, sur lesquelles un mémoire a été présenté au congrès par M. Kertselli. Malgré ce sobriquet populaire, qui a passé dans la langue scientifique, ces monumens représentent des hommes