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méandre de quelque cours d’eau, de manière à être protégés sur un ou plusieurs côtés par la rivière ou par les ravins qui y déversent les eaux de pluie. On fortifie artificiellement les côtés qui sont privés de défenses naturelles. Ces fortifications se composaient d’un fossé profond et d’une levée de terre sur la crête de laquelle on plantait sans doute des palissades. On s’attachait à rendre plus abrupts tout autour de l’enceinte les escarpemens du sol ; mais l’intérieur de cet oppidum formait une surface aplanie. Les plus petites de ces villes ont 200 pas de tour, les plus grandes 1,000 pas. Comme on devait tenir compte des accidens de terrain, la forme de ces constructions variait également : tantôt elles figuraient des triangles et toute espèce de polygones, tantôt des cercles, des ovales, des ellipses. Certains archéologues qui soutenaient l’hypothèse d’une destination religieuse des gorodichtché assuraient que la porte en était forcément tournée vers l’orient. M. Samokvasof prouve que cette disposition est absolument subordonnée aux exigences topographiques, et que la porte de l’oppidum, s’ouvrant naturellement sur la pente la moins escarpée, c’est-à-dire dans la partie artificielle de l’enceinte, peut être tournée vers n’importe quel point de l’horizon. Les couches de terre qui forment la surface du gorodichiché ont la même composition que la partie superficielle du sol dans un des villages actuels. On y rencontre des objets analogues : des tessons, des débris d’argile, des briques, des charbons et de la cendre, des plaques de bronze, des débris de filète à pêcher, avec les pierres qui leur servaient de poids. Ces enceintes sont donc bien des lieux d’habitation et non des lieux de sacrifices. M. Samokvasof n’y a pas rencontré un objet qui se rapportât au culte.

Auprès des gorodichtché sont ordinairement accumulés des kourganes ; ils prouvent que les anciens Slaves avaient, en même temps qu’une vie municipale, des cimetières communs. M. Samokvasof a ouvert environ 300 de ces tumuli. Les fouilles qu’il a exécutées dans les faubourgs mêmes de Tchernigof, près de l’église de Saint-Élie le prophète, ont une importance particulière. Il y avait là environ 500 kourganes dont quatre d’une dimension inusitée. Une tradition populaire racontait que là étaient enterrés les guerriers de Tchernigof tombés dans une bataille contre les Tatars. D’après une autre tradition, on y aurait enseveli les citoyens qui avaient succombé à une contagion. M. Samokvasof, au lieu d’y trouver les masses d’ossemens que supposerait une grande extermination par la guerre ou par la peste, n’a jamais rencontré qu’un squelette par tumulus. Trois des grands tertres ont été fouillés par lui et ont fourni quantité d’objets remontant évidemment à l’époque païenne, antérieurs de plusieurs siècles à l’apparition des hordes tatares. Je