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mettre le pays en feu. Est-il besoin d’ajouter que pour ce cas comme pour tous les autres nous repoussons l’appel au peuple, cette grande mystification du suffrage universel, qui n’est d’ailleurs qu’une application de la belle et sage théorie du gouvernement direct du peuple ?


VI

Il y aurait bien encore quelque chose à dire sur les attributions respectives des divers pouvoirs constitutionnels. Nous ne croyons pas nécessaire d’en parler ici, parce que ce n’est pas sur ce point que s’élèveront les sérieuses difficultés. Substitution du vote par arrondissement au scrutin de liste dans la loi électorale, création d’un corps électoral spécial qui soit la représentation de la véritable aristocratie du pays pour la constitution d’une seconde chambre, droit de dissolution pour le pouvoir exécutif et règlement de la transmission de ce pouvoir, tels sont les divers points qui nous ont paru dominer toute l’œuvre des lois constitutionnelles, sur lesquelles il faut qu’une majorité se forme dans l’assemblée pour que la discussion de ces lois puisse aboutir. Y a-t-il lieu d’espérer que ces lois seront votées ? Dans la division actuelle des partis, il est difficile de le prévoir. Ce qui est certain, c’est qu’elles ne le seront qu’autant qu’une majorité se sera nettement dessinée à la reprise des travaux parlementaires, non une majorité de coalition comme celle qui a renversé M. Thiers, mais une majorité de constitution et de gouvernement. Tout l’intérêt de cette décisive et peut-être dernière session sera donc dans l’œuvre constitutionnelle, et tout d’abord dans l’effort de conciliation et d’entente entre les hommes modérés de tous les partis, se rendant enfin au pressant appel du président de la république.

Nous ne voulons nullement grossir les dangers de la situation, mais nous ne forcerons pas du tout l’expression de notre sentiment en disant que cette situation se simplifie d’une façon peu rassurante pour la paix publique et l’avenir de notre cher et malheureux pays. Si les chefs du centre droit et de la droite qui ont mis tant d’ardeur à renverser le gouvernement de M. Thiers, suspect, bien à tort, de faiblesse et de complaisance pour les choses et les hommes du parti radical, n’ont pas perdu enfin leurs illusions sur les résultats qu’ils se promettaient de leur campagne, c’est qu’ils ferment les yeux à l’évidence. La situation qu’ils voulaient créer, surtout après l’avortement des projets monarchiques, était impossible, et n’a pas eu l’ombre même de réalité sous leur gouvernement de combat. Ils voulaient une croisade de tous les partis coalisés contre