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qu’une chambre démocratique faite à son image. Le suffrage restreint des censitaires ne peut donner qu’une chambre conservatrice dans le sens peu libéral du mot, et que la démocratie verra toujours de mauvais œil. La solution du problème, selon nous, consiste à poser en principe le caractère largement aristocratique du sénat et à dégager de la constitution de notre société française tous les élémens qui représentent cette aristocratie à des titres divers. Quant aux détails d’application, c’est aux esprits pratiques de l’assemblée qu’il appartiendra de les fixer dans la discussion de la loi.


V

Il est pourtant, dans le système dont nous n’avons fait que poser les bases, une lacune sur laquelle un esprit pratique ne saurait passer légèrement : c’est le défaut de représentation au sénat des grandes administrations publiques. Certes la nomination par le pouvoir exécutif pourvoit largement à ce besoin dans les projets de M. de Broglie et de la commission, trop largement selon nous, puisqu’elle va jusqu’à changer le caractère et le rôle de l’institution. Quelques garanties qu’offre aux principes conservateurs la seconde chambre, telle que nous proposons de la constituer, nous convenons que c’est en effet une lacune à combler, et nous ne verrions aucun inconvénient à créer des sénateurs de droit dont la liste pourrait être étendue de façon à en composer une représentation aussi complète que possible des services publics. Le cas doit être prévu où, si intelligent et si éclairé qu’il soit, le corps électoral chargé d’élire les membres de la seconde chambre oublierait, dans sa préoccupation politique, les capacités spéciales, seules en mesure de bien représenter les grands intérêts de l’état. Peut-être alors le mieux serait-il de faire élire ces membres par leurs pairs, les uns par la cour de cassation, les autres par les grands dignitaires des divers clergés, ceux-ci par le conseil supérieur de l’instruction publique, ceux-là par l’Institut, d’autres par le conseil de l’amirauté, d’autres par les conseils supérieurs de l’armée, des travaux publics et du commerce, qui forment l’élite et la tête des diverses administrations. Nous ne parlons pas de faire élire ces sénateurs par la totalité ou même par une classe quelconque des membres de ces administrations, dans la conviction où nous sommes que toute élection par en bas aurait pour effet inévitable de porter atteinte à l’ordre hiérarchique, condition vitale de toute autorité dans ce genre de services. Si l’on croyait l’intervention directe du pouvoir exécutif nécessaire pour assurer cette représentation, ce qu’il y