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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 novembre 1874.

C’est donc aujourd’hui que l’assemblée nationale rentre à Versailles, reposée, éclairée et sans doute fortifiée par ces quatre mois de vacances qu’elle s’est généreusement accordés. Au moment où s’ouvre cette session nouvelle, où vont se poser, s’agiter et se décider peut-être les questions qui intéressent le plus le pays, il y a un sentiment qui devrait se réveiller, qui devrait être pour tous un stimulant et un frein : c’est tout simplement, et pour l’appeler par son nom, le sentiment de la responsabilité. L’assemblée ne peut s’y méprendre, elle est aujourd’hui et plus que jamais sous le poids d’une responsabilité exceptionnelle. Elle répond de la paix, de la sécurité, des destinées prochaines de la France. Elle ne peut oublier que rien n’est fixé, que tout se traîne dans une de ces incertitudes pénibles où s’épuise la bonne volonté de la nation, et que le temps passe.

Quelle est la situation réelle à l’heure où nous sommes, presqu’au terme de la quatrième année d’existence de l’assemblée ? La vérité est que le pays vit pour ainsi dire de son propre mouvement, sans organisation publique, sans institutions, sans règles définies et acceptées. Un gouvernement, oui, sans doute, il y a un gouvernement qui a un nom et une durée déterminée. Hors de là, il ne connaît ni la nature de son pouvoir, ni l’étendue ou la limite de ses prérogatives, et il est obligé quelquefois de paraître sous la figure de ministres de hasard, qui portent aux affaires leur inexpérience ou leurs fantaisies, qui en brouillant tout se croient bien importans. L’assemblée reste toujours, dira-t-on ; c’est l’assemblée qui règne et gouverne, c’est la puissance parlementaire souveraine et permanente. Ce serait assurément quelque chose, si cette souveraineté très extraordinaire était aussi efficace, aussi décisive qu’elle le paraît. En réalité, elle ne sait elle-même ni ce qu’elle peut ni ce qu’elle veut. Elle est le jouet des implacables ardeurs de partis qui la dévorent, et ce qu’il y a de plus grave, c’est que, divisée sur la politique, elle se ressent inévitablement de ces divisions dans tout le reste. Elle n’a ni