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faisant une concurrence formidable au prêteur à gros intérêts il ruinait l’usure. Il faut remarquer qu’il établissait en outre une sorte de patronage et de clientèle dans toutes les villes d’Italie en associant ses propres débiteurs à l’acte public de l’assistance : c’était de leurs mains que sortaient les deniers consacrés au soulagement des pauvres et la reconnaissance des classes souffrantes se reposait sur eux en remontant à césar. Cette grande œuvre survécut à Trajan ; elle fut florissante sous les Antonins ; nous la retrouvons encore sous Alexandre Sévère, et elle ne commença à déchoir que vers le milieu du siècle suivant. On comprend qu’une semblable institution ne pouvait subsister qu’à une époque de paix et de sécurité. Outre que, dans les temps de guerre civile et d’incertitudes politiques, la préoccupation des gouvernans est absorbée d’ordinaire par d’autres soins que le soulagement des misères, le fisc ne fournit plus les ressources nécessaires à la création de nouveaux prêts hypothécaires ; il fallait enfin que les terres ne fussent pas exposées à la dépréciation, conséquence immédiate des troubles intérieurs. On ne doit donc pas s’étonner que la décadence de l’institution alimentaire coïncide avec l’anarchie militaire et politique qui a précédé l’avènement de Dioclétien.

Nous ne dirons qu’un mot des guerres de Dacie. Dès l’année 100, les voies étaient préparées et le fameux pont du Danube allait être construit ; c’est le seul qui ait jamais existé au-dessous de Pest. Nous en avons vu dans les basses eaux les seize piles encore subsistantes entre Gladova en Serbie et Turnu Severinu en Petite-Valachie. Procope nous a conservé le nom de l’architecte, Apollodore ; c’est le même qui fut chargé plus tard de l’érection de la colonne Trajane. Si l’abréviateur Xiphilin ne nous donne que peu de détails sur cette conquête célèbre, les inscriptions, les médailles, l’aspect des lieux que nous avons visités à plusieurs reprises, les ruines qui s’y rencontrent encore, les itinéraires anciens que nous avons pu étudier sur place et comparer entre eux, enfin les bas-reliefs de la colonne que reproduit le moulage exécuté il y a quelques années et que nous avons maintenant sous les yeux, permettent de suppléer au silence des historiens. Nous savons par les textes épigraphiques surtout quels étaient les chefs qui combattirent sous les ordres de l’empereur : M. Laberius Maximus et Q. Glitius Agricola, les deux gouverneurs des provinces impériales consulaires de Mésie inférieure et de Pannonie, provinces limitrophes du Danube et par conséquent faisant face à la Dacie ; l’Africain L. Quietus, qui fit manœuvrer avec succès les ailes de Numides dans ces mêmes plaines d’où devait sortir plus tard cette fameuse cavalerie hongroise ; L. Licinius Sura, le consul de 102 et de 103, l’ami et le conseiller de Trajan ; Pompeius Falco, le légat de la Ve légion macédonique, enfin