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communiquer ainsi qu’à la famille nouvelle qui pouvait sortir de ces unions tous les avantages attachés à la civitas ; quant aux mariages contractés auparavant, ils recevaient un acte de légalisation en vertu de la même disposition. Ces décrets impériaux s’appliquaient surtout aux soldats des cohortes auxiliaires et des ailes de cavalerie composées de volontaires étrangers pour la plupart, et qui ne devaient entrer au service qu’en vue des avantages énoncés dans les décrets. Ces actes impériaux étaient affichés, c’est-à-dire gravés sur de grandes plaques de bronze apposées dans le Capitole ou dans le temple d’Auguste sur le Palatin. On faisait un extrait de ces actes pour chaque soldat en particulier, et cette copie était gravée sur deux petites plaquettes de bronze et expédiée à chacun des intéressés. Ces extraits portent dans la science épigraphique le nom de diplômes militaires, et ce sont ces plaquettes qui ont été trouvées dans les tombeaux des soldats qu’elles concernaient. Ce qui fait l’intérêt exceptionnel de ces monumens, malheureusement trop rares, c’est d’abord la date consulaire qu’ils portent ; c’est ensuite l’énumération des corps de troupes mentionnés dans le décret, cohortes prétoriennes et urbaines de la ville de Rome, cohortes auxiliaires et ailes de cavalerie des provinces frontières, enfin soldats de la flotte de Misène et de Ravenne ; on y lisait de plus le nom du chef qui commandait le corps auquel appartenait le soldat qui recevait son congé, et, pour la province, le nom des légats impériaux qui les gouvernaient. On comprend combien il est intéressant pour l’intelligence de la politique romaine de retrouver le témoignage authentique d’une institution qui avait pour but de romaniser en quelque sorte les pays les plus éloignés de Rome, car les corps militaires, rarement déplacés, devenaient ainsi aux extrémités de l’empire un centre producteur de citoyens nouveaux qui propageaient les idées, la langue et le patriotisme romains. Les soldats, en recevant leur congé après vingt ou vingt-cinq ans de service, restaient fixés d’ordinaire dans le pays où ils avaient passé leur vie et contracté des alliances. C’est ce qui explique comment les pays frontières furent aussi attachés à Rome que le cœur de l’empire, comment la Dacie par exemple, occupée pendant moins de deux siècles, était cependant si bien romanisée qu’elle perdit pour toujours sa langue et ses mœurs nationales pour adopter la langue et les mœurs des vainqueurs. On ne possède guère que soixante diplômes environ, et plusieurs sont relatifs au règne de Trajan.

Parmi les monumens du même temps qui renferment des éclaircissemens historiques, comment ne pas citer ici la fameuse colonne qui se voit encore aujourd’hui en entier et debout sur le forum Ulpien à Rome ? Après avoir rapporté tout ce que les textes classiques