Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 6.djvu/639

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

premières années du règne : les actes du nouveau souverain n’étaient guère alors qu’à l’état d’intention, à peine de projets, et la confiance qu’inspiraient ses vertus à l’état d’espérance ; cela peut suffire au panégyriste, mais ne saurait contenter l’historien.

Cependant l’œuvre de Pline est encore de beaucoup ce que les textes classiques nous offrent de plus intéressant sur cette époque. D’ailleurs l’écrivain lui-même appartient comme personnage politique à l’histoire de ce temps ; ajoutons que tout ce qui le concerne ne saurait nous laisser indifférens : nous prenons même plaisir à recueillir les moindres témoignages relatifs à cet esprit charmant, à ce cœur généreux et droit. Il faut donc avertir les lettrés qui voudront désormais parler de Pline qu’ils se verront obligés, sous peine d’être incomplets, de faire, eux aussi, quelques emprunts à l’épigraphie ; elle seule peut les renseigner pleinement sur les différens degrés dont se compose sa carrière, c’est-à-dire sa vie publique, aussi bien que sur celui de ses actes qui fait assurément le plus d’honneur à sa libéralité et à sa bonté d’âme. On possède cinq monumens épigraphiques qui le concernent directement. Un de ces monumens a une importance de premier ordre ; on y trouve la liste officielle des magistratures et des fonctions qu’il a exercées. Cette inscription avait été gravée à Côme, patrie de Pline, et de son vivant, sur six pierres juxtaposées ; quatre d’entre elles ont été ensuite transportées à Milan, dans l’église Saint-Ambroise, et un singulier hasard a fait qu’elles y ont été employées à la construction du tombeau du roi d’Italie, Lothaire mort en 950. Elles ont été détruites dans les temps modernes, mais l’inscription en avait été copiée et nous a été conservée dans un recueil manuscrit.

Nous n’avons plus à mentionner, pour clore cette liste des auteurs anciens, que l’écrit de Frontin sur les Aqueducs de Rome. Ce Frontin était aussi un très grand personnage, qui avait été consul pour la seconde fois en 98 ; ce prétendu traité n’est autre chose que le rapport officiel qu’il adressa à l’empereur sur l’état des eaux de la ville ; nous savons en effet qu’il fut curator aquarum, charge confiée à des consulaires, et c’est en cette qualité qu’il a rédigé ce rapport aussi exact, aussi technique que peut l’être aujourd’hui celui de l’ingénieur en chef des eaux de Paris, au ministre compétent. C’est à ces faibles ressources que nous réduit le dépouillement complet des textes classiques. Tous les autres élémens pouvant servir à ce qu’on peut appeler la restitution du règne de Trajan appartiennent à la source numismatique, épigraphique et archéologique.

Les monnaies romaines nous apportent une foule de renseignemens précieux, et, pour s’en rendre compte, il suffit de jeter les yeux sur un médailler renfermant soit des pièces dites consulaires,