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faute de quelques secours ! Combien de ces monumens, inutilement classés comme historiques, attendent en vain un renfort de maçonnerie ou une réparation de couverture qui suffirait à leur assurer des années et souvent des siècles d’existence ! Le tort est de délaisser la masse des monumens historiques au profit de quelques-uns, au profit des monumens des centres les plus importans, d’en abandonner à la ruine le plus grand nombre pour en rajeunir ou refaire à neuf quelques privilégiés, qui ne doivent pas toujours Cette faveur à leur valeur historique ou architecturale. Il y a des églises, l’abbaye de Saint-Denis par exemple, qui ont été deux ou trois fois restaurées ou reconstruites dans ce siècle, et chaque fois suivant un système nouveau. L’importance historique de Saint-Denis peut expliquer des dépenses aussi répétées ; il n’en est plus de même quand il s’agit de monumens moins illustres. Dans quelques-unes de ces églises plusieurs fois restaurées, dans l’église d’Eu entre autres, on dirait que les divers gouvernemens qui se sont trop rapidement succédé en France aient pris à tâche d’effacer l’œuvre et le souvenir les uns des autres. En face de la situation actuelle de nos finances, devant les besoins de l’armée, de l’instruction et des travaux publics, il conviendrait peut-être de renoncer, provisoirement au moins, aux reconstructions générales, et de se borner à soutenir les monumens, à les faire durer, en un mot à les réparer, en répartissant sur un plus grand nombre les fonds destinés à ce noble usage.

Ce que les architectes diocésains semblent entendre le moins, c’est précisément la réparation, c’est l’entretien journalier et prévoyant des édifices. Souvent une cathédrale reste vingt ou trente ans sans le moindre secours, comme si on attendait que les détériorations fussent devenues assez graves pour exiger une restauration générale. Evreux nous en fournit encore un exemple. Pendant tout le second empire, l’administration a laissé sans la moindre réparation la voûte, les contre-forts, les arcs-boutans, dont aujourd’hui les architectes nous peignent si vivement le triste état. Il semblerait que, ces cathédrales étant vouées d’avance à une grandiose reconstruction, on ait négligé les modestes travaux d’entretien qui eussent pu rendre cette reconstruction inutile. Lorsqu’il y a des réparations partielles, elles sont souvent tout extérieures, superficielles, s’appliquant avec un goût enfantin aux détails et aux parties décoratives, aux clochetons ou aux balustrades, et négligeant les parties essentielles, les supports réels de l’église. Ici encore il y a toute une réforme à faire : moins de restauration et plus d’entretien. Il en est d’un monument public comme d’une maison privée : pour ne pas se dégrader, il a besoin de soins constans. On sait ce qui arrive aux propriétaires qui par incurie ou par fausse économie négligent les bâtimens de leurs terres et les laissent lentement se