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porter leurs bras et leurs instrumens de travail là où le travail est demandé ! Combien d’industriels sérieux, de commerçans aisés, changent de commune, de canton, d’arrondissement et même de département, pour y créer de nouveaux établissemens ! On a cité fort à propos, dans le sein de la commission, la classe très nombreuse, fort estimable des métayers, tous chefs de famille, qui vont perpétuellement de commune en commune, de canton en canton, pour trouver de meilleures conditions de loyer. Assurément ce n’est point une pareille classe de citoyens que la commission a pu vouloir éliminer. Que la loi soit sévère pour le vagabondage, pour l’immoralité notoire, même pour la mendicité (qui n’est pas l’indigence), condition sans indépendance et sans dignité, alors même que le mendiant est personnellement respectable, nous le comprenons ; mais peut-on faire plus ? Peut-on, soit en aggravant les conditions, soit en multipliant les difficultés d’inscription, chercher à éliminer le plus d’électeurs possible, faute de pouvoir pratiquer une élimination en masse par la prescription d’un cens ? C’est ce que personne n’a eu la pensée de faire dans la commission.

En posant des conditions d’éligibilité que la loi Dufaure avait complètement écartées, il est certain que la commission a obéi à des considérations d’une certaine gravité. Elle a voulu surtout éviter ces élections multiples qui peuvent dégénérer en véritables plébiscites par la grande popularité des noms mis en avant. Rien de plus politique qu’une pareille préoccupation, et si le scrutin de liste était maintenu, il serait peut-être nécessaire d’aviser aux moyens de prévenir ces sortes de manifestations qui mettraient en péril le gouvernement parlementaire. Si c’est le vote par arrondissement qui prévaut, le danger est beaucoup moindre, puisqu’il n’y aurait plus le même intérêt pour les partis à mettre en tête d’une liste de candidats un nom éclatant qui ferait passer les autres à la suite. Quant à vouloir réserver en quelque façon l’honneur de la députation pour les candidats des localités, en écartant les candidats étrangers par telles ou telles conditions, nous trouverions la prétention peu généreuse en elle-même et peu respectueuse pour la liberté des électeurs. Ce serait par trop laisser voir qu’on redoute tout ce qui peut donner aux élections un caractère politique, et qu’on veut nous ramener, comme on l’a dit, aux influences et aux notabilités de clocher.


V

Reste la question du scrutin de liste et du vote par arrondissement. Nous pensons que presque tout l’intérêt de la loi électorale est là, et que c’est surtout sur ce terrain que se livrera la grande