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la cage est de fer, ils n’en seront que plus ardens à la secouer. Les partisans du provisoire nous disent, il est vrai, qu’avec un gouvernement définitif, république ou monarchie, le pays n’aura ni cette paix que nous rêvons, ni cet avenir assuré que nous promettons à nos enfans, que tout gouvernement est aujourd’hui, en France surtout, provisoire, en ce sens qu’il n’y a pas de principe, pas plus avec la république qu’avec la monarchie, qui puisse faire vivre un gouvernement qui, par ses fautes ou ses malheurs, aurait perdu sa grande raison d’existence, à savoir le bien du pays. Cela est incontestable, et si le pays était assez sage pour se contenter d’un gouvernement assez fort pour garantir pendant sept ans l’indépendance et la sécurité du pays avec sa liberté, nous ne serions pas trop curieux de savoir ce que le pays pensera et voudra dans sept ans par lui-même ou par l’organe de ses représentans. Nul de ceux qui croient pouvoir bâtir pour l’éternité l’édifice monarchique ou républicain sur ce sable mouvant du suffrage universel ne peut compter d’avance les années d’un gouvernement quelconque avec un peuple qui n’obéit guère qu’à ses impressions et à ses besoins du moment. Aussi ne comprenons-nous pas quel intérêt peut mettre tel ou tel parti à se réserver cet avenir en évitant tout ce qui semblerait donner aux institutions du présent un nom et un caractère constitutionnel. Ce qui est sûr, c’est que, si le parti républicain persiste à demander un titre définitif et une organisation sérieuse pour le gouvernement du septennat, c’est surtout pour répondre au vœu du pays qui se préoccupe plus qu’on me croit de ces questions, et qui veut que son gouvernement ait un nom connu et significatif, république, empire ou royauté.


III

C’est dans ces circonstances politiques que s’est posée la question des lois constitutionnelles. Nous n’avons jamais trop pris au sérieux l’objection des puritains de la gauche qui contestent à cette assemblée tout pouvoir constituant par la raison que ce pouvoir n’a point été clairement mentionné dans les élections de 1871. La vérité est que le pays, sous l’impression unique de sa cruelle et désespérante situation, a pensé à tout autre chose, dans ces élections, qu’aux questions de république et de monarchie, et que, sans avoir en vue telle ou telle fonction de la souveraineté, le suffrage universel a confié à ses élus la mission de retirer le pays de l’abîme où l’empire et la guerre l’avaient jeté, en faisant la paix d’abord, puis un gouvernement qui pût le relever de sa chute et lui rendre ses forces. Sauver le pays est un mandat qui comprend bien des attributions et des pouvoirs pour une assemblée unique. Si elle croit