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gouvernement de combat contre le radicalisme envahissant. Voilà ce qu’il a voulu faire du septennat ; mais il n’avait pas prévu que dans cette coalition, où il ne voyait que des conservateurs, il y avait des hommes et des partis qui avaient de tout autres visées. Il avait pu commencer l’œuvre du septennat avec une majorité de coalition ; quand il voulut faire un pas de plus, il ne tarda pas à s’apercevoir qu’il ne serait pas suivi par tous ses alliés. Proroger simplement les pouvoirs du maréchal, c’était laisser à tous leurs espérances plus ou moins prochaines, et leurs moyens de préparer l’avènement de leur gouvernement définitif. Du moment qu’on parlait d’organiser d’une façon quelconque le gouvernement du septennat, légitimistes et bonapartistes étaient bien décidés à voter, de concert avec les radicaux, contre toute organisation de ce régime, si provisoire qu’on voulût le faire. Une coalition avait renversé M. Thiers ; ce fut aussi une coalition qui fit tomber le ministère présidé par M. de Broglie.

Certes de tout temps les fins politiques ont eu leur rôle et leur prix. Amener à voter le septennat toutes les fractions de la majorité qu’on avait réunies pour donner l’assaut au gouvernement de l’ancien président n’était point une œuvre facile. Plus difficile encore était l’art de parler à la tribune et ailleurs de manière à ne décourager personne, sans rien promettre, à tel point qu’on a pu, en toute franchise, défier tous les mécontens de venir soutenir leurs sourdes accusations de duplicité ; mais nous sommes de ceux qui pensent qu’aucune habileté ne peut remédier au vice radical d’une situation. Il y a longtemps qu’on l’a dit, avec une majorité de coalition on renverse un gouvernement, on ne peut le remplacer ni pour fonder quelque chose, ni même pour gouverner, dans le sens sérieux du mot. Si, après l’œuvre ingrate de la coalition qu’il avait menée à la victoire, M. de Broglie eût, selon le conseil de quelques amis du centre droit, compris la nécessité immédiate d’offrir au centre gauche et même à la gauche modérée les garanties constitutionnelles que celles-ci ne pouvaient refuser, quel que fût le ressentiment de leur défaite, il eût pu se passer tout de suite du fâcheux appoint du groupe bonapartiste, et de l’embarrassant concours de l’extrême droite. Alors il pouvait, avec une majorité nouvelle décidée à le suivre franchement dans la voie du septennat, présenter et faire voter dans un assez bref délai les lois constitutionnelles élaborées par une commission représentant l’esprit plus large et plus libéral de cette majorité. Peut-être, cette œuvre faite, fût-il tombé sur quelque question de politique personnelle ; mais il eût vécu pour faire un acte de grande politique, et le pays s’en fût souvenu. Au lieu de cela, M. de Broglie, ayant toujours sous les yeux le spectre d’une république révolutionnaire, contre laquelle il eût trouvé