Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 6.djvu/574

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

race, décidé à les conserver lors même que ses divinités chéries auraient le dessous dans la lutte, il n’est pas homme à se refroidir pour elles, parce que des chrétiens l’ont condamné et proscrit pour venger l’attentat dont il a menacé un prêtre. il y a là une lacune psychologique que le romancier n’a pas réussi à combler. En résumé, ce second roman nous paraît inférieur au premier, lors même que nous lui reconnaissons un mérite analogue, celui qui provient de ce mélange de sentimens humains d’une véritable délicatesse avec un état social dont nous avons de la peine à nous représenter la grossière simplicité. Le dévoûment radieux, l’abandon sans peur et sans reproche de la fiancée germaine à celui qu’elle a choisi pour « son homme, » ce trait que l’injustice seule pourrait dénier à la femme allemande des temps modernes, cette vertu de race qui unit à travers les âges la Germaine païenne à l’Allemande chrétienne brille d’un vif et pur éclat à côté de la sainteté ascétique des pieux convertisseurs du VIIIe siècle. C’est à ce point de vue que la scène de la rencontre de Walburge dans la forêt avec Ingraban nous a semblé le meilleur spécimen que nous pussions choisir du genre et de l’intérêt spécial du roman tout entier.


IV

Nous n’analyserons pas d’une manière aussi détaillée le troisième roman, intitulé le Nid des Roitelets. Le plus long des trois, il est aussi le moins remarquable. Ce n’est pas du tout qu’il soit sans valeur ou ennuyeux. Là aussi l’intérêt historique est réel. Nous sommes transportés au XIe siècle, en pleine féodalité germanique, et Dieu sait si elle est hérissée de complications et d’enchevêtremens ! Moines, seigneurs, bourgeois, évêques et rois se remuent là dedans comme de jeunes espiègles dans un même lit, chacun s’efforçant de tirer à soi toute la couverture. C’est tout au plus si la civilisation a fait quelques progrès sérieux. La guerre de tous contre tous est encore l’état normal. Le roman, malgré quelques longueurs, surtout au commencement, se lit jusqu’au bout, et plusieurs scènes dramatiques, d’une grande vérité morale, soutiennent l’attention. Si pourtant il ne vaut pas les deux précédens, serait-ce la faute de l’auteur ? Ne serait-ce pas plutôt celle du genre lui-même dont les défauts seront toujours plus sensibles à mesure qu’on se rapprochera des époques moins distantes de la nôtre ? On n’aura plus en effet le plaisir très réel de voir revivre sous des formes tantôt gracieuses, tantôt rudes, mais rendues vraisemblables par le judicieux usage d’une érudition de bon aloi, un état spirituel et social sur lequel nous n’avons que des données éparses et presque mystérieuses. Si le Nid des Roitelets eût paru seul, la renommée