Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 6.djvu/527

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sera prolongé jusqu’à la mer Caspienne. Le tracé semble indiqué d’avance. De Tiflis à Bakou, le terrain est plat presque partout, coupé seulement de ruisseaux insignifians. Deux villes importantes par leur industrie, sinon par le chiffre de leurs habitans, Élisabethpol et Schoumaka, serviront de points de raccord entre les divers tronçons de la ligne. Bakou est l’entrepôt naturel et obligé des marchandises d’une partie de la Perse. Son port, libre en toute saison, continue d’être accessible en hiver quand celui d’Astrakan est depuis longtemps fermé par les glaces. Ses mines de pétrole, jugées jusqu’ici inépuisables, en feront une place de commerce de premier ordre dès qu’un débouché suffisant sera ouvert à ses produits. Il semble que la Russie ne puisse souhaiter une meilleure « tête de ligne » pour son réseau du Caucase. Ce projet, dont l’exécution mettrait la Mer-Noire à vingt-quatre heures de la mer Caspienne, n’a pourtant pas rallié les suffrages. L’idée d’un embranchement qui assurerait à la Russie centrale une communication plus directe avec ses provinces caucasiennes paraît avoir prévalu dans les conseils du gouvernement. Le nouveau chemin de fer se relierait à la grande ligne qui de Rostof (sur la mer d’Azof) remonte jusqu’à Moscou et Pétersbourg, et, descendant par Vladikavkaz, rejoindrait la Caspienne à Petrowsk, port artificiel au nord de Bakou.

Quel que soit l’avenir de ces différens projets, il est permis de trouver que pour le moment, l’établissement d’un service régulier de diligences entre Tiflis et Bakou ne serait pas superflu. Le seul service, — fort intermittent du reste, — qui existe actuellement entre ces deux villes est celui des fourgons allemands, grossiers véhicules surmontés d’une cage sphérique qu’on recouvre d’une toile en cas de pluie et rappelant, comme forme et comme construction, les voitures de nos maraîchers. Ces chariots primitifs sont plus spécialement affectés au transport des marchandises, mais les voyageurs et les bestiaux de bonne volonté y sont admis pour leur argent. Les indigènes s’y entassent pêle-mêle sur les bagages ; les veaux et les moutons se serrent pour faire place à leurs conducteurs, et la lourde machine, péniblement traînée par six ou sept chevaux, s’achemine à petites étapes vers la mer Caspienne. De la durée du trajet, il n’est pas question, le proverbe qui veut que le temps soit de l’argent n’ayant pas cours au Caucase. On arrive quand on peut, en quinze jours, en trois semaines, en un mois, si l’on est pris par le dégel ou par les pluies. Les voyageurs pressés ont la ressource de faire la route « en poste. » On se munit préalablement d’un padarojné, sorte de passeport délivré par la policé et qu’on doit présenter à chaque relai. Il y a deux espèces de