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conservateurs, de légitimistes, d’orléanistes, des hommes modestes, mais sérieux, faits pour représenter par leur position, par leurs lumières, par leur expérience, la grande et glorieuse ville.

L’intérêt municipal n’est pas seul en jeu ici, il y a un intérêt politique de premier ordre. Nous sommes dans une situation difficile et délicate, où toutes les opinions devraient mettre leur zèle à diminuer les embarras au lieu de les aggraver. Que le conseil municipal qui va sortir de l’élection prochaine se compose d’une majorité de radicaux : se rend-on bien compte des conséquences d’une manifestation de ce genre, non-seulement pour Paris, mais à un point de vue général ? L’élection a lieu tout juste la veille de la rentrée de l’assemblée. Le résultat ira certainement retentir aussitôt à Versailles, et il ne sera peut-être pas sans influence sur les dispositions des partis. On exagérera la portée, d’un vote qui ne s’expliquera que par l’indifférence parisienne. On supposera des conflits de toute sorte, et il n’est point douteux qu’il y en aura, si l’on en juge par des motions et des vœux qui se sont récemment produits, que M. Vautrain a eu de la peine à détourner. Des esprits encore pleins des douloureux souvenirs du passé s’effaroucheront et verront déjà dans le nouveau conseil une commune renaissante, quelque chose comme un gouvernement révolutionnaire latent et disponible. Ni Paris, ni la république, ni les intérêts de la ville, ni les intérêts généraux du pays ne s’en trouveront mieux à coup sûr. Paris en sera un peu plus suspect, Versailles en sera un peu plus troublé. Encore une fois ce sera, sous la forme municipale, une élection Barodet renouvelée et redoublée, qui pourra produire les mêmes effets. On n’en est pas encore là heureusement. Jusqu’à la dernière heure, les Parisiens ont à y penser pour eux-mêmes, et les chefs du parti radical, au lieu de rechercher la stérile satisfaction d’une dangereuse victoire, devraient être les premiers à songer au lendemain, à détourner les passions agitatrices d’un scrutin d’où ne devrait sortir qu’un conseil, expression sérieuse et autorisée des intérêts multiples de la grande ville. Qu’on y réfléchisse jusqu’au bout, puisque rien n’est plus grave à l’heure actuelle, — qu’on mette en présence l’impression d’apaisement que peut produire une élection vraiment conforme à l’esprit, aux intérêts, à l’importance de Paris, et le trouble qui peut naître d’un vote irréfléchi, d’un succès de parti conduisant à des crises ou tout au moins à des malaises prolongés et inévitables.

Les nations ont leur destin, et des manifestations qui ont une certaine analogie se produisent dans les divers pays sous des formes bien différentes. L’autre jour, à Londres, il y avait aussi une fête municipale, le banquet annuel du lord-maire, qui coïncidait avec l’anniversaire de la naissance du prince de Galles. Des radicaux et des conservateurs, des anciennes ou des nouvelles couches sociales, il n’en était pas précisément question au banquet de Guildhall. Là, tout s’est passé