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ciennes, d’irriter les amours-propres, de reprendre l’éternelle histoire des divisions, des incompatibilités entre les hommes. Eh bien ! admettez que le succès ne fût pas immédiat, qu’il ne fût point enlevé d’un premier vote : cette alliance des fractions modérées patriotiquement maintenue pendant quelque temps aurait encore le mérite de créer dans l’assemblée une véritable force de gouvernement dont on ne pourrait se passer, une force conservatrice et libérale qui prendrait rapidement la direction du pays, qui ne rencontrerait devant elle que des coalitions d’aventure entre légitimistes, bonapartistes et radicaux, acharnés d’abord et bientôt impuissans. — Quoi donc ! le centre droit aiderait ainsi à fonder la république ? il désavouerait son idéal et ses espérances de monarchie constitutionnelle ? Le centre droit n’aurait rien à désavouer, il mettrait au-dessus de ses préférences et de toutes les combinaisons de parti l’intérêt du pays. Il se montrerait prévoyant et pratique en faisant l’œuvre d’aujourd’hui sans enchaîner l’avenir par un de ces prétendus définitifs qui disparaissent à la première tempête. Le centre droit aiderait tout simplement à organiser un gouvernement dans les seules conditions où il soit possible à l’heure où nous sommes, et, si la république en profitait, ce serait dans tous les cas une république entourée d’institutions conservatrices, armée de garanties sérieuses, conciliée avec les traditions de la société française, aussi bien qu’avec toutes les nécessités de pouvoir, de direction, de vigilance, qui peuvent assurer un lendemain.

Ce que les légitimistes y perdraient, nous ne le voyons pas bien. Ils perdraient les chances qu’ils n’ont plus, qu’ils n’ont eues qu’un instant par une de ces fortunes qui ne se reproduisent pas deux fois. Ils ont laissé échapper l’occasion, aujourd’hui ils combattent par habitude, par une sorte de chevalerie, cette organisation constitutionnelle, qu’ils ont l’air de redouter comme si elle leur enlevait une espérance. La campagne qu’ils poursuivent, qu’ils se disposent, dit-on, à poursuivre, ne répond plus évidemment à rien, puisqu’il est parfaitement clair que, même en réussissant à tout empêcher, à détourner le vote des lois constitutionnelles, ils ne travailleraient pas pour eux. Ils parviendraient à obtenir la suppression du nom de la république qu’ils ne seraient pas beaucoup plus avancés, et ils ont beau vouloir laisser la porte du septennat ouverte, comme ils le disent, ils ne s’aperçoivent pas que M. le comte de Chambord ne serait peut-être pas le premier à passer par cette porte. Ils oublient que M. le comte de Chambord s’est trouvé à Versailles, même avant que la porte fût fermée, et qu’il n’a pas pu entrer. Les légitimistes s’exposent tout simplement à recommencer cette histoire d’une opposition chagrine, frondeuse, dangereuse peut-être quelquefois, mais inutile et aveugle, factieuse par mauvaise humeur, poussant aux catastrophes sans le savoir, aidant à tout, excepté au bien du pays. Les bonapartistes savent, eux, ce qu’ils font lorsqu’ils s’ef-