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De Formose ou plutôt de Taïwan-fou, les jonques exportent à Amoy des cornes de cerfs et de buffles, des peaux, des bois parfumés, des huiles de coco enfermées dans de lourdes jarres de grès ; mais il reste des montagnes entières à défricher, des forêts vierges où la hache n’a jamais pénétré. Qu’on se figure les précieuses essences qu’elles recèlent, et quelles richesses inconnues elles cachent ! Il en est ainsi à Hainan et dans beaucoup d’îles de la mer de Chine, et le moment où tant de trésors seront connus de l’Europe n’est pas éloigné.

En dépit de la barbarie dont les aborigènes de Formose sont généralement accusés, une mission apostolique de dominicains espagnols, des Anglais, quelques Américains et des Allemands ont osé s’établir sur divers points de l’île, et ils ont ouvert des comptoirs assez considérables à Taïwan, à Takow et à Samshui, trois villes importantes du littoral au point de vue commercial. Ce ne sont en fait, que les succursales des maisons étrangères du Fou-kien, dont les sièges principaux sont à Amoy ; elles y importent des cotonnades, de la mauvaise bimbeloterie et les produits empoisonnés de Benarès et de Patna. Si les prédicateurs espagnols y font, comme sur le continent, peu de prosélytes parmi les Chinois, par contre les Anglais trouvent partout à vendre des caisses d’opium. Les négocians chinois ou indigènes résident de préférence à Taïwan-fou ; une forteresse y protège leur commerce. En échange des sucres, des huiles de coco et d’arachide, des tourteaux pour engrais, que ces traitans envoient dans le Fou-kien, ils reçoivent des poteries, du tripang, des nids d’hirondelle, des plantes pharmaceutiques et une infinité d’autres articles de consommation spécialement chinoise.

Sur une étendue côtière de 400 kilomètres environ, qui est la longueur entière de Formose, à l’est et à l’ouest, les navires ne trouvent aucun port pour s’abriter pendant tout le temps que soufflent avec leur impétuosité ordinaire les vents du sud-ouest. Tout y est ouvert, comme sur le littoral de notre île de la Réunion. Même dans la bonne saison, Taïwan-fou et Takow, les deux seules rades accessibles, n’offrent à des bâtimens qu’une sécurité précaire. Comme à Saint-Denis, quand le baromètre baisse, il est prudent, pour les bâtimens à voiles et à vapeur, de courir tout de suite au large.

Si l’on vient de Chine, et que l’on descende en bateau la partie ouest de Formose, de la pointe du Syanki ou de Samshui jusqu’au Cap-Sud, on découvre, à moins que des brumes trop fréquentes ne l’empêchent, une terre basse, parsemée de villages, de champs de canne à sucre et de nombreux bouquets de bambous. Avec un ciel bien clair, on distingue au sud la montagne Assi, et par le travers les monts azurés du Soco et du Ung-co. L’approche du mouillage de