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l’axis au pelage étoilé, des quadrumanes d’une variété infinie, abondent sur les montagnes, et dans toutes les parties couvertes d’une végétation sauvage. Cette absence, de fauves, remarquée également aux îles Philippines, est une nouvelle preuve que Formose ne s’est probablement jamais détachée à la suite de quelque bouleversement terrestre du continent asiatique, où les tigres et autres animaux féroces sont fort nombreux. On y voit quelques chevaux de petite taille, mais leur importation dans l’île est récente ; ils viennent de Chine, et ne servent de montures qu’à des Européens et à d’obèses mandarins de Ta-kow et de Taïwan-fou. Dans cette partie de l’Océanie, c’est le buffle qui, patient comme nos bœufs européens, creuse péniblement à l’époque des pluies torrentielles le sillon ; des rivières fangeuses. Quand la récolte est par terre, c’est encore lui qui sous un soleil ardent, attelé à un chariot grossier, la transporte avec lenteur, mais avec une persévérance admirable, dans les fermes presque toujours éloignées des lieux de culture, — et par quelles voies ! au milieu de plaines ouvertes, rocailleuses ou semées de marécages.

La bambou, ainsi que sur le continent occidental d’Asie, est très commun. Dans les rizières formant bouquets, au sommet des montagnes, on voit se dressée son panache vert, ondoyant et frémissant à la brise. Quand un typhon éclate, les épais fourrés où ces arbres se trouvent en grand nombre s’emplissent de voix graves, mystérieuses, produites par le frottement désordonné de leurs tiges creuses et lisses. Qu’on s’imagine des milliers d’orgues remplies par un vent d’orage, et jetant, sous les voûtes élevées des forêts tropicales, leurs voix éoliennes. L’aréquier et le cocotier, moins élégans, sont aussi fort répandus sur le versant des coteaux. Les fruits, parmi lesquels il faut citer l’orange, la banane, la goyave, sont délicieux et laissent à la bouche une saveur pleine de fraîcheur. Pour l’Européen frugal, qui sait se passer de pain et peut le remplacer par du riz étincelant de blancheur, pour celui qui n’a pas besoin de viandes fortes, comme celles du bœuf et du porc, la vie est des plus faciles et d’un bon marché inconnu dans nos régions.

Le côté sérieux de la production actuelle de Formose, c’est la canne à sucre : elle vient fort bien dans le nord, où des Chinois s’adonnent entièrement à cette riche culture. Il y a encore des mines d’or, d’argent et de cuivre très mal exploitées. On y trouve des huiles minérales à fleur de terre, une houille qui, sans être comme celle de Cardiff, donne néanmoins d’excellens résultats. L’extraction se fait déjà sur une grande échelle, et elle doit forcément augmenter. Un des produits considérables de l’île est l’huile d’arachide ; on en fait de nombreux tourteaux pour bonifier la terre ; c’est par millions de picols que se fabriquent ces utiles engrais.