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tombait en effet entre les mains d’un prêtre et d’un prêtre de soixante-six ans, le cardinal dom Henrique. Après ce cardinal, Philippe II avait des droits d’étroite parenté à faire valoir ; il chargea le duc d’Albe de les appuyer ; Le 25 août 1580, 20,000 soldats d’infanterie et 2,000 chevaux résolurent la question. Lisbonne capitula, et ses faubourgs furent livrés au pillage. Il n’en existait pas moins encore un prétendant, le prieur de Crato, dom Antonio, petit-fils illégitime d’Emmanuel. Le Portugal eût volontiers épousé la cause de ce compétiteur, qui seul le pouvait soustraire à l’absorption dont la bataille d’Aljubarrota et la dynastie d’Aviz avaient préservé en 1385 l’héritage de dom Fernando ; mais les temps étaient bien changés. Les sympathies d’un peuple n’étaient pas de force à prévaloir contre les vieilles bandes de Castille. Après s’être défendu quelque temps avec vigueur dans Porto, et avoir erré fugitif de province en province, le prieur parvint à gagner la France au mois de janvier 1581. Il se vantait d’avoir des intelligences aux Açores ; Catherine de Médicis lui fit donner une flotte de soixante vaisseaux. On y embarqua 6,000 hommes dont le colonel Strozzi eut le commandement et le comte Charles de Brissac, fils du maréchal de ce nom, la lieutenance. Charles Landereau, « gentilhomme de beaucoup de valeur, » prit les devans avec neuf vaisseaux et 800 soldats. Le reste de la flotte fit voiles quelque temps après, ayant à bord dom Antonio et le comte de Vimiosa, qui s’attribuait la qualité de connétable de Portugal. La descente s’effectua dans l’île de Saint-Michel. Six jours après paraissait la flotte d’Espagne commandée par le marquis de Santa-Cruz. Cette flotte se composait de cinquante galions, cinq pataches et douze galères. « Ce furent les premières galères qu’on vit s’engager si avant sur l’Océan. » Le combat commença par une canonnade à outrance ; il finit comme il devait finir à cette époque : par l’abordage. Sur la flotte de Philippe II se trouvaient 6,000 Espagnols et 500 Allemands. Le succès, dit-on, fut longtemps douteux ; il resta aux plus gros navires et aux plus gros bataillons. Strozzi fut blessé à mort ; il expira au moment où on le présentait à l’amiral vainqueur. Le comte de Vimiosa succomba également à ses blessures ; le comte de Brissac ramena en France les débris de la flotte. Les Français avaient perdu 1,500 hommes ; 600 prisonniers étaient tombés aux mains de Santa-Cruz. L’amiral de Philippe II ne voulut voir dans ces ennemis vaincus que des pirates ; il les fit sans pitié mettre à mort. Pendant ce temps, dom Antonio se trouvait en sûreté dans l’île de Tercère. Der cet asile, il réussit encore une fois à gagner la France, et, ce qui a lieu de surprendre, il y obtint de nouveaux secours. Au mois de mai 1583, le commandeur de Chaste débarquait dans la ville d’Angra à la tête de 500 hommes. Le gouverneur, dom Emmanuel de Silva, n’avait pas cessé de tenir