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avec lui. L’escadre de Hawkins se composait alors de six navires. Elle fut assaillie par un coup de vent sur la côte de Floride et dut chercher refuge au port de Saint-Jean d’Ulloa. Les Anglais occupaient la rade ; une flotte espagnole se présente à son tour pour y jeter l’ancre. Aux yeux de Hawkins, la prétention semble étrange. Il lui faut des sûretés avant qu’il consente à laisser les espagnols rentrer chez eux. Il avait déjà jugé bon de retenir des visiteurs en otages ; il réclame maintenant l’île fortifiée qui commande le port. Les Espagnols étaient fort perplexes ; leur flotte valait 6 ou 7 millions, ils se souciaient peu de la compromettre. Leur résignation apparente endormit probablement la vigilance des Anglais, et Hawkins, attaqué à l’improviste, faillit payer cher son arrogance. Des six navires qu’il commandait, quatre furent détruits, après avoir, il est vrai, coulé bas l’amiral espagnol ; deux seulement parvinrent à s’échapper : le Minion et la Judith. Sur le Minion se trouvait Hawkins ; la Judith avait pour capitaine Francis Drake. Hawkins, Drake, Forbisher, voilà trois noms que les Espagnols auront sujet de ne pas oublier.

Drake était le fils d’un honnête marin de Tavistock. L’aîné de douze garçons, il fut élevé par les soins de son parent John Hawkins. A dix-huit ans, il avait déjà visité la Zélande et la France ; il compléta son éducation dans le commerce de la côte de Guinée. La surprise de Saint-Jean d’Ulloa avait eu lieu au mois de septembre 1568 ; en 1572, Drake débarquait à Nombre de Dios avec cent cinquante hommes. L’Angleterre et l’Espagne étaient alors en paix ; Drake s’en inquiéta peu. Il avait, pensait-il, un grief particulier à venger. La découverte des mines du Potosi au Pérou, celle des gisemens de Zacatecas au Mexique étaient enfin venues dédommager les Espagnols de leurs longues déceptions. Depuis l’année 1545, l’argent coulait à flots vers la péninsule ibérique. Débarqués à Panama, sur l’autre rive de l’isthme, les trésors du Pérou étaient apportés jusqu’à Nombre de Dios à dos de mulet ; ils ne s’y arrêtaient pas. Nombre de Dios était alors ce que Porto-Bello est devenu depuis : l’entrepôt où s’échangeaient les marchandises de la Vieille-Espagne contre les produits des mines du Nouveau-Monde. Cette ville insalubre, à travers laquelle filtraient tant de richesses, ne compta jamais plus de trente maisons. Drake l’attaqua dans la nuit du 22 juillet 1572 ; il l’attaqua sans motif et sans sommation. Éveillés en sursaut, les Espagnols s’enfuirent d’abord vers la montagne ; quatorze ou quinze seulement se rallièrent, et, armés d’arquebuses, se portèrent sur le lieu de l’action. Leur exemple rendit du courage aux autres ; la panique au contraire se mit dans les rangs des Anglais. Drake, blessé, dut regagner ses canots à la nage. Ce