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UN ROMAN DE MŒURS SOUS NÉRON.

Racine aurait bien voulu répéter aux belles dames d’Uzès : « Je vous en conjure, au nom de vos charmes, ne dédaignez pas d’accueillir un étranger parmi vos adorateurs. Vous le trouverez dévot à votre beauté, si vous lui permettez de vous adorer. » Je me figure que cette langue spirituelle et précieuse était celle qu’on devait parler dans la société de Poppée.

Les conclusions auxquelles nous amène l’étude que nous venons de faire du Satiricon surprendront peut-être quelques personnes. Les anciens critiques ne jugeaient pas l’œuvre de Pétrone comme nous, et ils en donnaient une opinion différente. Le souvenir du récit de Tacite, qui ne s’oublie pas, les avait trompés. Ils songeaient toujours à cette satire que Pétrone écrivit de sa main à ses derniers momens pour se venger du prince qui le condamnait à mourir. Sans doute il n’était pas possible de la confondre avec ce roman dont il nous reste de si longs débris, et qui ne pouvait pas être écrit en un jour ; mais on se laissait aller à croire que le roman et la satire, étant l’œuvre du même écrivain, étaient composés dans le même esprit, que dans tous les deux « l’auteur avait voulu décrire les débauches de Néron, et que ce prince y était le principal objet de son ridicule. » C’est une opinion à laquelle il faut, je crois, renoncer. Le Satiricon n’est pas une œuvre d’opposition ; il n’est pas possible de penser, comme Saint-Évremond, que a par une agréable disposition de différens personnages, Pétrone y touche diverses impertinences de l’empereur et le désordre ordinaire de sa vie. » Les personnes qu’on y raillé ne sont ni le prince ni ses amis, mais plutôt des gens que l’empereur n’aimait pas et dont on se moquait autour de lui ; l’auteur n’a pas écrit son livre « dans le temps de ses mécontentemens cachés, » l’ouvrage doit être au contraire de l’époque de sa faveur. Il n’était pas destiné à satisfaire les rancunes de ces politiques de salon qui se transmettaient à la dérobée et dévoraient en cachette les ouvrages suspects : il était fait pour être lu à la cour, dans ce cercle de gens d’esprit corrompus et de débauchés élégans qui entouraient Néron et Poppée, et Pétrone, en le composant, travaillait, comme l’affranchi Paris, « pour animer les plaisirs du prince. »

Gardons-nous pourtant d’aller trop loin ; il faut avoir soin, avec ces gens d’esprit, de ne pas forcer les nuances. Ils sont si souples, si adroits, si fuyans, si habitués au monde et à la vie, qu’ils parviennent à éviter les extrêmes et qu’ils savent unir les contraires. C’est ainsi que Pétrone a su mêler quelque indépendance à ses flatteries. On lui ferait tort assurément, si on le confondait tout à fait avec les Paris, les Vatinius, les Tigellin avec tous ces vulgaires scélérats, prêts à tout faire et à tout souffrir, dont cette cour, nous dit Tacite, était plus remplie qu’aucune autre. La fermeté de sa mort