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L’Autriche, la Prusse, la Russie, étaient nos plus redoutables adversaires. La solidarité créée par la révolution dynastique en France, par la révolution parlementaire en Angleterre, était la seule force morale et politique dont la diplomatie belge disposât au dehors. » Van de Weyer, quand il repassait dans sa mémoire les années agitées de 1830 à 1838, pouvait se rendre cette justice, qu’il avait habilement mis en œuvre toutes les ressources dont il disposait ; il avait su braver les colères du parlement belge, plier ou résister à propos, choisir ses alliés, pénétrer les faiblesses de ses adversaires, obtenir les respects de tous, et les faire remonter à son roi et à son pays.


IV

Après la période agitée dont nous venons de rappeler les péripéties, la tâche de M. van de Weyer fut plus facile : il devint la sentinelle vigilante de la neutralité belge, ayant bien compris que l’indépendance de son pays était surtout attachée à cette neutralité perpétuelle. Lord Palmerston goûtait vivement l’énergie que van de Weyer avait déployée dans des circonstances critiques ; il avait travaillé avec van de Weyer à mûrir, suivant son expression, la conférence, et ne ménageait plus ses sympathies à un pays qu’il avait fini par considérer comme son propre ouvrage. Par la dignité de sa vie, par la sûreté de son caractère, qualité que l’Angleterre prise au-dessus de toutes les autres, van de Weyer avait bien vite conquis l’estime des hommes politiques de tous les partis. Les tories s’étaient peu à peu réconciliés avec la Belgique ; ils étaient un moment revenus au pouvoir en 1835. Van de Weyer trouva le duc de Wellington dans les meilleurs sentimens à l’endroit de la Belgique et enclin à résoudre promptement ce que le ministère précédent n’avait encore pu achever. Guidé par les conseils du roi Léopold, van de Weyer obtint toute la faveur du duc de Wellington en ne le fatiguant jamais de petites affaires et en se laissant toujours appeler par lui. « Je désire, écrivait le roi à son ministre, que vous soyez d’une grande prudence ; ne négligez pour aucune considération ceux qui ont été si bons pour nous, et à la tête desquels se trouve lord Palmerston ; mais ne vous montrez pas homme de parti ouvertement. » Les tories au reste ne firent que traverser le pouvoir, et bientôt lord Palmerston revint aux affaires. Le roi écrivait à cette occasion à van de Weyer : « On ne peut pas se cacher que nos ennemis avaient particulièrement espéré en un ministère comme celui qui vient de quitter, les uns pour voir mettre fin à nos jours, et les autres pour terminer nos différends avec la Hollande