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aujourd’hui qu’en 1830 il y eut dans le congrès belge quelques voix pour la république. L’immense majorité se prononça pour la monarchie constitutionnelle.

Sur ce point, la conférence était satisfaite ; sur tout le reste, les dissentimens commençaient. Le 23 novembre, la proposition de déchéance de la maison de Nassau fut présentée au congrès national, et van de Weyer n’hésita pas à la défendre à la tribune. On ne vota pas séance tenante, et le lendemain le comité diplomatique reçut M. de Langsdorff, envoyé par Louis-Philippe, et M. Bresson, alors secrétaire de la légation de France. M. de Langsdorff déclara verbalement de la part du roi que l’exclusion de la maison de Nassau pouvait troubler la paix de l’Europe et compromettre la France ; il exprima le vœu que la proposition de déchéance fût retirée. Le roi, nous l’avons déjà dit, n’avait que de bons sentimens pour la maison d’Orange, il ne nourrissait aucun dessein égoïste à l’endroit de la Belgique, et il désirait avant tout garantir la paix. Van de Weyer convoqua un comité secret du congrès, rendit compte de la communication de M. de Langsdorff, et fut d’avis de passer outre. La démarche isolée de M. de Langsdorff, alors que la Belgique plaidait sa cause devant toute l’Europe, l’avait un peu alarmé : bien qu’il lui en coûtât de repousser des avis inspirés par le plus sincère intérêt, il demanda que la déchéance fût votée le même jour ; l’exclusion de la maison d’Orange fut prononcée par cent soixante et une voix contre vingt-huit.

Quelques, jours après ce vote, van de Weyer causait avec lord Ponsonby ; celui-ci défendait encore les idées de son gouvernement, qui avait toujours souhaité une réconciliation de la Belgique et du prince d’Orange. Van de Weyer affirmait que le peuple ne voulait aucun membre de la maison de Nassau. « Le peuple ! le peuple ! dit Ponsonby, avant huit jours je pourrais vous faire pendre à un arbre du parc par ce peuple dont vous parlez. — Avec du temps et beaucoup d’argent, dit van de Weyer, vous réussiriez peut-être ; moi, je vous ferais pendre dans cinq minutes et gratis. Ne jouons pas à ce jeu-là. » Et tous deux se prirent à rire et se tendirent la main.

L’accueil que van de Weyer avait reçu à Londres et les services qu’il y avait déjà rendus le désignaient pour représenter la Belgique auprès de la conférence. Il voulut toutefois aller d’abord sonder le terrain à Paris et y pénétrer les pensées intimes du gouvernement français sur le choix du futur souverain. Il se fit donner des lettres d’introduction par M. de Celles, qui avait épousé Mlle de Valence, petite-fille de Mme de Genlis ; M. de Celles avait été préfet du Zuiderzée, il était membre du congrès et du comité diplomatique. Van de Weyer partit avec M. Gendebien, qui a donné un récit de cette