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hollandais et des Pays-Bas belges ; 10,000 hommes de troupes hollandaises s’approchèrent de Bruxelles ; à cette nouvelle, la fureur populaire ne connut plus de bornes. On désarma la garde bourgeoise, suspecte de faiblesse et de trahison ; on envahit l’hôtel de ville. Bruxelles se couvrit de barricades. Il n’y avait plus de gouvernement. Les Hollandais, sous le prince Frédéric, entrèrent dans Bruxelles, se retranchèrent dans le parc ; pendant trois jours, leurs boulets répondirent aux balles des insurgés. Ils se retirèrent enfin. Cette agression inutile, à la fois molle et cruelle, déchirait le dernier lien entre la Belgique et la maison de Nassau. Le rêve de l’union personnelle avec le prince d’Orange était fini. Il ne pouvait plus être question de séparation administrative. La Belgique en armes n’était plus d’humeur à traiter avec un souverain détesté ; elle ne voulait plus traiter qu’avec l’Europe.

Un gouvernement provisoire avait été nommé le 26 septembre, dont van de Weyer faisait partie avec M. d’Hogvoorst, Félix de Mérode, Gendebien, Charles Rogier. « Le gouvernement provisoire, disait plus tard M. Gendebien au congrès, s’est installé à l’hôtel de ville, ayant pour tout mobilier une table de bois blanc, prise dans un corps de garde, et deux bouteilles vides, surmontées chacune d’une chandelle. La caisse municipale renfermait 10 florins 36 cents, et c’est avec ces moyens que nous n’avons pas désespéré de la victoire. » Dans sa Lettre sur la révolution belge, van de Weyer lui-même raconte ces premiers jours de lutte et de danger. « Un gouvernement provisoire s’établit le 25 septembre au milieu du bruit des bombes et de la mitraille, sans finances, sans archives, sans employés, ayant pour gouverner un pays en insurrection, en pleine guerre, des plumes, de l’encre et quelques feuilles de papier, mais un courage que le dévoûment à la patrie peut seul donner. Eh bien ! cinq jours après son établissement, son autorité est reconnue dans la plupart des villes de la Belgique ; le 1er octobre, il forme une nouvelle magistrature, et la justice reprend son cours naturel et régulier ; il rend la liberté à la presse, établit le droit d’association, abolit les loteries, annule les arrêtés attentatoires à la liberté individuelle, organise une armée, se crée des ressources financières en rétablissant la perception régulière de tous les impôts, et, plein de confiance dans la sagesse du peuple, il décrète la convocation d’un congrès national, établit le mode d’élection le plus populaire dont la Belgique avait jamais joui. »

On se souvient que van de Weyer avait deux fois défendu M. de Potter devant les tribunaux. Après les journées de septembre, de Potter, qui était banni, accourut de Valenciennes, et fut porté en triomphe par le peuple de Bruxelles. Un gouvernement provisoire, où figurait Félix de Mérode à côté de van de Weyer, représentait