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litique. M. de Bismarck porte légèrement sur ses épaules toutes les affaires, même cette affaire d’Arnim, qui ne laisse pas d’être délicate pour lui, et qui marche vers un dénoûment. M. d’Arnim a obtenu d’être mis en liberté sous caution, et il sera sans doute jugé avant peu. Tous les mystères seront-ils éclaircis ? Pour sûr il y a des mystères dans cette affaire. On ne voit pas bien après tout pourquoi M. d’Arnim a été arrêté si brusquement et avec tant d’éclat. Peu auparavant il y avait eu toute une correspondance entre l’ancien ambassadeur à Paris et le ministre des affaires étrangères de Berlin, M. de Bulow. M. d’Arnim ne contestait pas l’existence de certains documens qu’on lui réclamait ; il ne niait pas que ces papiers fussent entre ses mains, et en prétendant les garder il ne refusait pas de soumettre la question à la justice. Pourquoi donc a-t-il été enlevé d’une façon si imprévue et mis au secret ? Tel est le mystère ! L’arrestation n’a peut-être été faite que pour arriver aux perquisitions qui malheureusement n’ont rien produit. M. d’Arnim reste toujours en possession jusqu’ici de papiers qu’il est accusé de ne retenir que par une infidélité et qui peuvent ne pas manquer d’intérêt. Il paraît bien en effet que tout le mal est venu d’un différend violent entre M. de Bismarck et l’ambassadeur à Paris au sujet des affaires de France. Ce serait déjà assez curieux de savoir ce que disait le chancelier ; mais voici où la question se complique encore. M. d’Arnim, dans une de ses lettres à M. de Bulow, assure que M. de Bismarck, par sa correspondance, — par cette correspondance qui est en litige, — accusait l’ambassadeur d’avoir « conspiré avec une personne en relation étroite avec l’empereur ! » Oui, en vérité, cette correspondance ne doit pas manquer d’intérêt, et elle devrait bien être livrée à la curiosité de l’Europe. Ce serait sans doute un chapitre instructif de la diplomatie intime du temps. CH. DE MAZADE.




ESSAIS ET NOTICES.




LE FAUST POLONAIS.

Le caractère, l’âme d’une nation se révèle dans la chanson, la tradition, les contes, les proverbes, bien plus encore que dans la littérature proprement dite, car celle-ci est née d’influences étrangères, tandis que le reste jaillit du génie même du peuple. Si la littérature décrit les mœurs et les coutumes populaires, c’est de parti-pris, en se plaçant à un point de vue abstrait et par conséquent critique. La tradition au contraire est le reflet naïf drs actes, des croyances, des aspirations d’un peuple. Avec quelle magnificence s’est manifesté l’esprit populaire allemand dans les Sept Souabes, les Schildbourgeois, les légendes de Rubezahl, la Lorelei, Eulenspiegel et Faust ! Il peut donc être intéressant