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le sac sur le dos, et l’on s’en va au bout de l’an sans amertume, le cœur content, en se disant qu’on reprendra l’uniforme s’il le faut, qu’on est devenu un peu plus homme dans cette vie de soldat. C’est dans ce petit livre écrit jour par jour, au courant de toutes les impressions, qu’on peut voir ce que le volontariat pratiqué avec soin, accepté avec une bonne et franche humeur, peut produire de salutaires effets.

Assurément les événemens que la France a subis il y a quatre ans lui ont coûté assez cher pour qu’elle ait le droit et le devoir de profiter de cette cruelle expérience. Elle porte la marque de ces terribles événemens dans ses frontières diminuées, dans sa puissance militaire profondément ébranlée, et dans ses finances qui restent sous le poids des charges immenses qui nous ont été infligées. Ce que la guerre a coûté pour une seule partie des dépenses, M. Léon Say, au nom de la commission du budget de 1875, vient de le montrer dans un rapport aussi instructif que lucide, où il décrit la liquidation de l’indemnité payée à la Prusse, et les colossales opérations qui ont été nécessaires pour accomplir jusqu’au bout la libération pécuniaire de la France. Au total, on a eu à payer de 1871 à 1874 en numéraire, en billets de banque, en traites de toute sorte, la somme de 5,567,067,277 fr. 50 cent. ! Tout ceci en trois ans. On en est cependant venu à bout avec les ressources et le crédit de la France, avec des prodiges de soins, d’industrie, d’habileté, et à travers des épreuves d’un autre genre que le pays a eu à supporter. Certes l’analyse rigoureuse, positive et en même temps presque dramatique de cet immense effort restera un des chapitres les plus étranges, les plus curieux de l’histoire financière du temps et de tous les temps. Ces 5 milliards 567 millions ne représentent encore qu’une partie des dépenses imposées à la France. À ce chiffre, il faut ajouter les emprunts, les ressources extraordinaires qu’on a dû créer, sans parler des contributions de guerre prélevées sur les provinces envahies, et tout cela retombe maintenant sur le budget de la France. Aussi n’est-il pas bien étonnant que ce malheureux budget semble fléchir quelquefois. Le produit des impôts dans les premiers mois de l’année a un déficit de 34 millions. C’est beaucoup sans doute, c’est un supplément inattendu et maussade au déficit qui existait déjà, que l’assemblée avait laissé dans le budget. Voilà encore une des choses qui peuvent occuper l’assemblée bien plus utilement que toutes les querelles sur le septennat !

L’Allemagne vient donc de voir son parlement s’ouvrir à Berlin, et l’empereur Guillaume a présenté dans son discours tout un programme de lois destinées à poursuivre l’unification de l’empire. Les lois militaires ne sont pas nécessairement oubliées. M. de Bismarck, revenu de Varzin, assistait auprès de l’empereur à l’inauguration de cette session nouvelle, où il aura sans doute plus d’une occasion d’exposer sa po-