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porte d’Asnières, menaçant déjà Montmartre. Le général Clinchant s’avance par l’Arc-de-Triomphe vers le Parc de Monceaux, serrant Batignolles et la gare Saint-Lazare. Le général Douay pousse vers les Champs-Elysées, la place Beauvau et l’église Saint-Augustin. Sur la rive gauche, le général de Cissey manœuvre pour arriver à la gare Montparnasse et au corps législatif. L’armée de réserve est au centre appuyant également Douay et Cissey avec les divisions Vergé et Bruat. Ainsi on marche, non toutefois sans des combats renouvelés à chaque pas et sans des efforts sanglans. — Le 23, c’est la grande et décisive opération sur Montmartre. Tandis que le général Clinchant gagne du terrain par les Batignolles et la place Clichy, tenant Montmartre par l’ouest et le sud, le général Ladmirault, avec les divisions Laveaucoupet et Grenier, attaque par le nord. A une heure de l’après-midi, le drapeau tricolore flotte sur la tour de Solferino, au sommet de la butte, à deux pas du jardin où sont tombés Lecomte et Thomas. C’est la reproduction du mouvement stratégique du 18 mars ; cette fois seulement tout est enlevé. La forteresse de la commune est au pouvoir des troupes, qui prennent de 2,000 à 3,000 insurgés, plus de 100 canons. Ladmirault reste à Montmartre, Clinchant se rabat par Notre-Dame-de-Lorette, allant donner la main à Douay. De son côté, Cissey se fraie laborieusement un chemin jusqu’à Saint-Sulpice. À ce moment, la place Vendôme, les Tuileries, le Louvre, tiennent encore ; on les enveloppe pour se diriger ensuite jusqu’à l’Hôtel de Ville.

Jusque-là le combat a été souvent acharné, sanglant, mais il n’a pas cessé après tout d’être un combat. Le 24 mai est la journée sinistre, la première des journées sinistres. Les incendies s’allument de toutes parts, au ministère des finances, à la Cour des comptes, au Palais-Royal, aux Tuileries, à la Bibliothèque du Louvre, bientôt à l’Hôtel de Ville. Si le musée du Louvre, la Bibliothèque nationale, la Banque, échappent à la destruction, c’est par une sorte de miracle, parce que les troupes peuvent arriver assez tôt pour combattre ce nouvel ennemi, le feu. De tous ceux qui se trouvaient alors à Versailles, qui ne se souvient d’avoir vu des hauteurs de Meudon ou de Montretout ce spectacle tragique de Paris en flammes, qui n’était que la lugubre réalisation de ce mot écrit dès 1870, avant le 4 septembre, par un des chefs de l’émeute prévoyant une révolution prochaine ? « Ce jour-là, — le jour de la révolution, — nous devons être prêts physiquement et moralement. Ce jour-là, nous ou le néant ! .. Mais ce jour-là, je vous l’affirme, Paris sera à nous ou Paris n’existera plus ! » Ce n’est pas tout : la barbarie a commencé par l’incendie, elle continue par le meurtre. Le journaliste Chaudey est la première victime. A partir du 24 et les jours suivans, les