Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 6.djvu/197

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’épilogue de la guerre. 191 on le proposait d’abord, mais à Versailles. On s’ajournait au 20 mars à Versailles.

Pour le moment, il n’y avait pas d’autre moyen, le gouvernement se voyait réduit à vivre partagé entre Paris et Bordeaux. A Paris, le ministre de l’intérieur, M. Picard, traitait les affaires en homme d’esprit, un peu légèrement. Le général d’Aurelle, envoyé pour prendre le commandement de la garde nationale, tombait au milieu d’un chaos où il se sentait aussitôt impuissant. Le général Vinoy, laissé comme commandant en chef de l’armée de Paris, avait à se débattre entre des masses militaires désorganisées et les mouvemens populaires qui le pressaient. A Bordeaux, on ne voyait les choses que de loin, on ne pouvait suivre les incidens qui se succédaient, on ne connaissait qu’à demi la vérité, et les moyens manquaient. Je ne veux citer qu’un exemple. Le ministre de la guerre, le général Le Flô, avait à envoyer deux divisions au général Vinoy, qui en avait un besoin pressant. Ces divisions, le général Le Flô les composait sans doute de son mieux, il le croyait, puisqu’il recommandait au général Vinoy de n’y rien changer : elles étaient malheureusement tout ce qu’il y avait au monde de plus impropre à un service actif dans une ville troublée.

Ainsi il aurait fallu témoigner de la confiance à Paris, le dominer par la sympathie et par la résolution, être au foyer même de l’agitation pour en évaluer la gravité, pour pouvoir réduire la sédition à elle-même en ralliant les forces conservatrices ; on n’avait que des craintes, des ombrages, des défiances, on ne savait rien de précis et on était loin ! Cependant la question grossissait et s’envenimait d’heure en heure. Tandis qu’à Bordeaux on discutait pour savoir s’il fallait aller à Fontainebleau ou à Versailles, l’insurrection s’étendait par degrés et se fortifiait. Un jour, elle mettait la main sur un poste ou sur un dépôt de munitions ; un autre jour, elle s’emparait d’un secteur où un de ses délégués s’établissait en maître. La garde nationale n’obéissait plus qu’au comité central, à peine trouvait-on quelques bataillons, et dans ces bataillons quelques hommes écoutant les ordres de l’état-major régulier. Paris, devenu sceptique, peut-être un peu blessé de ce qui se passait à Bordeaux, assistait avec une désastreuse et ironique légèreté à cette comédie des canons, dont les chefs de la sédition se disposaient à donner une représentation trop sérieuse à Montmartre. On en était là lorsque M. Thiers arrivait le 15 mars. Il fallait en finir, c’était une nécessité de toute façon. Il y avait des négociations à poursuivre à Bruxelles ; que pouvaient répondre les plénipotentiaires de la France à ceux qui leur diraient : « Vous n’êtes pas un gouvernement, on vous insulte, on vous désobéit, on vous tient en échec, vous n’offrez aucune garantie. » D’un autre côté, le commerce, suspendu depuis