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UN GASCON
DU XVIe SIÈCLE

LE PREMIER DUC D’ÉPERNON

S’il fallait assigner des rangs aux plus grands hommes de l’histoire et des lettres françaises, j’imagine que, même pour le juge le plus sagace et le mieux informé, l’embarras ne serait pas petit. Qui hésiterait en revanche, s’il n’était question que de désigner les plus nationaux d’entre eux, ceux qui possèdent au souverain degré la vertu typique, le caractère absolu de représentans de la race ? Les noms de Montaigne et d’Henri IV s’imposent irrésistiblement dans ce cas comme l’expression même du génie national dans le domaine de la pensée aussi bien que dans celui de l’action. C’est l’incomparable honneur de la Gascogne d’avoir donné l’un et l’autre à la France.

Elle a pu les donner, ils n’avaient garde de laisser oublier leur origine. Un hasard sans conséquence fera bien naître Bossuet en plein troupeau d’Épicure, je veux dire en Bourgogne, ou Corneille au milieu des Normands ; il n’en va pas de même en Gascogne, on ne naît pas impunément en ce terroir. Ni Montaigne ni Henri IV n’échappent à cette loi, et ces deux types de Français par excellence restent gascons au premier chef. Pour être hors de pair, ils ne forment pas à eux seuls tout le contingent fourni par la Gascogne au faisceau des illustrations de la patrie pendant le XVIe siècle. Deux hommes de valeur inégale, mais rares l’un et l’autre, Monluc et Brantôme, ont droit à y figurer. Henri IV et Montaigne, le politique et le sage, Brantôme et Monluc, le conteur et le capitaine, tel est le royal présent fait à la France par cette province tant bafouée. Deux