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lérance du parlement de Saint-Jean n’est pas sans doute étrangère à cette attitude voisine du désintéressement d’un gouvernement dont la situation devient de jour en jour plus difficile à notre égard, et qui peut être à bon droit las d’un contrôle ingrat pour ses fonctionnaires, onéreux pour ses finances et d’importance médiocre pour son autorité dans l’Amérique du nord.

Cette annexion, si jamais elle a lieu, sera-t-elle favorable à nos intérêts ? Obtiendrons-nous du parlement d’Ottawa la solution que nous cherchons en vain ? Nous semblons l’espérer, et notre politique semble aujourd’hui l’expectative du changement qui doit se produire dans les destinées administratives de l’île de Terre-Neuve, le jour où la confédération du Dominion absorbera son autonomie. Notre espoir s’appuie sur les sympathies que la France a toujours trouvées au Canada et sur la grande influence de l’élément canadien dans les affaires de la confédération ; mais, si bien disposée que se montre à notre égard la nouvelle puissance, par quels moyens rendra-t-elle claire pour l’avenir une situation qui compte aujourd’hui cent soixante ans d’existence et qui n’est pas encore définie ? Nous n’en connaissons qu’un seul, radical en vérité, mais infaillible, le rachat absolu de nos droits. Que nous traitions avec l’Angleterre ou le Dominion, c’est là que nous conduit la logique des choses : tirer le meilleur parti possible de la cession de notre privilège, tel est le but auquel nous devons tendre pour sortir d’une impasse qui sera toujours, et quoi que l’on fasse, préjudiciable à nos intérêts. Enrayée par la tradition, immobilisée par le monopole, la pêche des côtes ne retrouvera pas son ancienne importance ; les intérêts qui s’agitent à Terre-Neuve la dominent et la condamnent, elle est sans avenir possible. En lui prêtant toujours et partout le concours de ses bâtimens, l’état assume une lourde charge, et le rôle de ses divisions navales devient de plus en plus ingrat. Si nous avons réussi jusqu’à ce jour à sauvegarder nos droits dans leur principe, faisons-les valoir quand s’en trouvera l’occasion, non plus en réclamant l’exercice d’un privilège affirmé par les traités, mais en réalisant d’une manière définitive le capital certain qu’ils représentent. Reportons alors tous nos efforts sur la pêche des bancs, et conservons-lui pour appui les îles Saint-Pierre et Miquelon, rajeunissons nos procédés, nous en aurons bientôt les bénéfices, et nous rendrons le rude état de nos marins moins dangereux et moins pénible.

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