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pourront former leurs établissemens de pêche. Les Anglais auront le droit exclusif de la pêche des rivières et celle du saumon. 5o La zone du littoral dont les Français auront l’usage temporaire sera déterminée, afin que rien ne s’oppose aux concessions du territoire hors de cette zone, non plus qu’à la construction d’établissemens d’intérêt minéral sur cette zone elle-même.

Nous voilà bien loin des traités d’Utrecht et de Versailles, et M. le commandant de Lapelin, en repoussant énergiquement la possibilité d’une négociation sur de pareilles bases, écrivait avec raison : « On nous demande tout et on ne nous donne rien ! » Cet essai de conciliation dont le gouvernement anglais avait pris l’initiative est le dernier que l’on ait tenté. Depuis ce temps, nous avons vécu au jour le jour, voyant grandir les difficultés, constatant chaque année de nouveaux empiétemens et notre impuissance à les réprimer. En examinant dans leur ensemble ces négociations infructueuses, on est frappé du bon vouloir mis en action par l’Angleterre, et de l’opposition persistante que rencontrent ses propositions dans le parlement de Saint-Jean. Il n’est pas inutile de rechercher les causes qui divisent ainsi l’opinion de la métropole et celle de sa colonie. Si le gouvernement anglais n’est plus d’accord avec le nôtre sur l’interprétation à donner aux traités et sur la nature des droits qu’ils nous confèrent, c’est qu’il a changé d’avis. Jusqu’en 1838, les autorités anglaises n’émettent aucun doute sur la validité de ces droits, et nous les voyons, en plusieurs occasions, prendre en main nos propres intérêts. En 1788, un acte du parlement investit le gouvernement de tous les pouvoirs nécessaires pour faire enlever de la côte française « tous échafauds, cabanes, navires, bateaux appartenant aux sujets de sa majesté britannique, et qui pourraient servir à prendre le poisson, et, dans le cas où lesdits sujets refuseraient de s’éloigner des localités susdites, les officiers compétens sont autorisés à les faire partir sans aucune distinction de personnes, et nonobstant toute loi, usage ou coutume à ce contraire. » En 1802, l’amiral Gambier, gouverneur de Terre-Neuve, déclare que tous les établissemens de pêche doivent être détruits sans distinction, et que tous les sujets britanniques sont astreints à vider les lieux ; vingt-deux ans plus tard, un nouvel acte du parlement proroge pour cinq années les pouvoirs donnés à la couronne par l’acte précité de 1788. En 1835, les jurisconsultes de la reine, consultés par le ministère sur la question de savoir si, aux termes des traités, les sujets anglais ne pouvaient être admis à partager avec les Français le droit de pêche sur la côte réservée, déclarent que dans leur opinion les Français ont le droit exclusif de pêche sur la partie de la côte de Terre-Neuve mentionnée dans le traité de 1783. Les mêmes hommes spéciaux, appelés à se prononcer de nouveau