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L’île de Terre-Neuve n’a pas d’histoire précise. Découverte en 1497 par un Vénitien, Jean Cabot, elle a longtemps servi d’asile aux aventuriers de toutes les nations assez hardis pour franchir l’Océan. Pendant plus d’un siècle, Anglais et Français se la sont disputée sans trêve, avec des alternatives de succès et de revers, les uns établis à Saint-Jean, sur la côte est, les autres à Plaisance, sur la côte sud. Le traité d’Utrecht termina la lutte en reconnaissant la propriété de l’île à l’Angleterre et en conservant à la France le droit de pêche sur une partie du littoral. La population de l’île anglaise est aujourd’hui de 150,000 habitans, répartis principalement sur les côtes de l’est et du sud ; la seule ville que l’on y trouve est Saint-Jean, capitale et siège du gouvernement représentatif dont la métropole a doté sa colonie. Les autres baies habitées de la côte ne présentent en réalité que des agglomérations plus ou moins importantes de commerçans et de pêcheurs. Jusqu’à ces dernières années, Terre-Neuve n’a connu d’autres moyens d’existence et d’autre industrie que la pêche du phoque sur les banquises, dans les derniers jours de l’hiver, et celle de la morue et du hareng pendant la saison d’été. Aujourd’hui les gisemens miniers récemment découverts sur certains points du littoral sont un élément de prospérité future pour la population.

Au sud de l’île de Terre-Neuve, et séparées d’elle par un canal d’une vingtaine de milles, se trouvent les deux petites îles de Saint-Pierre et Miquelon, qui sont la propriété de la France.


I.

L’industrie de nos pêcheurs dans les parages de Terre-Neuve se divise en trois catégories : la pêche sur les bancs, celle des îles Saint-Pierre et Miquelon et celle de la côte de Terre-Neuve proprement dite. La pêche sur les bancs, se faisant en pleine mer, est commune à toutes les nations ; elle ne nous met en rapport avec l’Angleterre qu’au point de vue commercial du trafic de l’appât. Celle des îles Saint-Pierre et Miquelon est toute locale et se fait en eaux françaises. La pêche de la côte a lieu sur la partie du littoral anglais que les traités nous réservent ; elle présente un caractère politique et tout particulier que n’ont pas les deux précédentes. Ces pêcheries dans leur ensemble emploient chaque année 9,000 matelots environ, et rapportent au commerce français de 15 à 20 millions ; l’état les considère comme la pépinière le plus précieuse des équipages de ses armées navales, et c’est à ce titre surtout qu’il les subventionne et les protège.

Les armemens pour la pêche de la morue commencent dès le mois de janvier dans les ports de France ; ils ont lieu principale-