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charte par un lien passé dans une légère incision horizontale ou une petite ouverture pratiquée au bord du parchemin et sur son repli. Pour les attaches, on adopta d’abord de doubles lanières de cuir blanc, plates ou tressées. Vers le milieu du XIIe siècle, on employa les fils de soie, de chanvre, de laine, et à la fin de ce même siècle apparut la queue (cauda) de parchemin que j’ai mentionnée tout à l’heure, sorte de patte détachée de la pièce. La queue était double dans le principe, ce n’est guère qu’un demi-siècle environ plus tard qu’on se contenta des queues simples. La queue, adoptée aussi souvent pour les bulles à dater du XIIIe siècle, faisait partie intégrante du morceau de parchemin où le document était écrit, et n’était pas un lien qu’on y avait adapté. Au commencement du XIIIe siècle, les lanières de cuir sont remplacées par des attaches plus légères et plus élégantes, des fils, des lacs de soie de diverses couleurs. Bientôt se montrent des rubans échiquetés de bleu, de jaune, de blanc et de brun, des cordelettes blanchies, chinées, mouchetées ou componées, des ganses de teinte variée.

L’emploi des sceaux plaqués ou pendans n’excluait pas, ainsi qu’on l’a vu, celui de la signature ; mais à mesure que les progrès de l’ignorance eurent rendu plus rare la connaissance de l’art d’écrire, quand les témoins dont l’intervention était nécessaire pour valider les actes se trouvèrent presque constamment illettrés, le sceau tendit de plus en plus à suppléer à la signature. Dans une multitude de chartes données du VIIIe au milieu du XIIe siècle, on ne trouve ni sceau ni rien annonçant qu’il y en ait eu. Les intéressés se contentaient de mettre une croix devant leur nom au bas de l’acte ou d’y faire marquer le nombre des témoins, et il est écrit presque toujours de la même écriture que la charte. C’est là l’indice qu’excepté les clercs et les notaires de profession, presque personne ne savait plus signer. La croix finit par remplacer si habituellement la signature, que le mot signum, qui désignait en latin celle-ci, fut entendu alors de la seule croix. Tandis que les rois mérovingiens avaient eux-mêmes signé leurs actes, les Carlovingiens s’en dispensèrent. Pépin le Bref et Carloman traçaient simplement une croix à laquelle le chancelier ajoutait la formule attestant la signature royale, et Charlemagne, qui écrivait difficilement, remit en usage le monogramme, dont l’emploi est constant pendant toute la durée de la seconde race. Sous les premiers Capétiens, les signatures autographes sont très rares, et elles cessent au XIIe siècle. On a des preuves nombreuses de la complète ignorance des seigneurs aux XIIIe et XIVe siècles. Vers le milieu de ce dernier, les gens du conseil du roi qui ne savaient pas écrire devaient mettre leur signet ou cachet en guise de souscription aux lettres passées au conseil, et l’on voit à la même époque une foule de seigneurs, de