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est superbe. Par le calme et la noblesse de son attitude, par l’expression sereine de son visage, par la perfection de ses formes, on dirait une statue de la belle époque. Les enfans sont charmans aussi dans leurs poses variées et pleines de grâce. Il n’y a rien à reprendre à la composition. Les lois classiques y sont observées avec autant de fidélité que d’adresse.

On sait que Hercule, — « le héros au triple talent, » comme il a été dit, — tout en nettoyant les étables d’Augias, séduisit sa fille Auge. Celle-ci eut un fils qu’elle abandonna sur le mont Parthénion pour cacher sa faute. Des bergers recueillirent l’enfant et le firent nourrir par une biche. On le nomma Télèphe en souvenir de la biche. C’est cette scène de l’enfance de Télèphe qui fait le sujet d’une des plus importantes peintures de la galerie, comme dimension et comme valeur. Tout en bas de la composition, à droite, au premier plan, Télèphe, à demi couché et se soulevant sur un bras, tète la biche, tandis que l’animal, peint en demi-raccourci, retourne la tête pour lui lécher les genoux. Rien de plus joli que ce groupe. La flexion du cou de la biche, très habilement traitée, est gracieuse et naturelle. Un énorme Hercule, vu de dos, portant tous les attributs du héros des douze travaux : la peau de lion, le carquois, la massue, regarde tendrement l’enfant. Une figure ailée, qu’on croit être le génie de la Paix ou de l’Abondance, plane au-dessus de l’Hercule. Au second plan se montre assise sur un flot de nuages une femme majestueuse. La tête ornée d’une couronne de fruits, elle est vêtue d’une tunique sans manches, par les échancrures de laquelle sortent de beaux bras cerclés de bracelets d’or, et d’un pallium vert-bronze, dont les extrémités retombent sur les genoux. Les seins se dessinent sous les mille plis transparens de la tunique safranée. Au-dessus de cette belle figure, qui représenterait, selon les commentateurs. Auge ou quelque divinité champêtre, sourit la tête d’un jeune satyre. Sa physionomie, gaie et railleuse, est vivante. On ne peut, en la regardant, ne pas se rappeler le gamin napolitain qui a ouvert la portière de la voiture à l’entrée du musée. Cette œuvre, d’une exécution un peu dure dans certaines parties, a un grand aspect de puissance. Au point de vue de la composition, on ne saurait nier cependant l’effet disgracieux, deux fois reproduit, du satyrisque qui semble émerger de la tête d’Auge, et de l’Abondance qui paraît sortir de la tête d’Hercule, comme Minerve s’élança de la tête de Jupiter. La couleur est d’une belle harmonie. D’ailleurs, sauf les draperies, qui sont vert-bronze, rouge, safran et jaune-brun, les tons peuvent presque se réduire à deux : le brun-rouge pour les deux hommes et les animaux, le jaune tirant sur le rose pour l’enfant et les deux femmes.