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et néanmoins il passait pour attaché à la foi musulmane, beaucoup plus que Fuad-Pacha, son ami, lequel était traité volontiers de giaour. L’habileté d’Ali comme diplomate est connue dans toutes les cours de l’Europe. Il est regrettable pour la Turquie que ce grand ministre n’ait pas eu de goût pour les questions économiques et qu’il n’ait pas cherché, pendant son long séjour au pouvoir, à accroître les ressources de son pays.

Il n’était pas possible que la mort d’Ali-Pacha, qui avait personnellement créé le lycée de Galata-Séraï, et l’entourait depuis trois ans d’une bienveillance spéciale, ne troublât pas l’équilibre déjà menacé de cette institution. À partir de cet instant en effet, le mauvais vouloir du ministère devint évident et se manifesta en toute occasion ; il finit par descendre à de mesquines tracasseries qui compromettaient l’administration intérieure. Le directeur français ne crut pas pouvoir continuer le bien dans ces conditions et rentra en France. À son départ, le lycée renfermait encore 471 élèves ; un mois plus tard, sous la direction de Vahan-Effendi, il en avait perdu 109.

L’Arménien Vahan ne tarda pas à être remplacé par le Grec Photiadès-Bey, et celui-ci par Sawas-Pacha. Il y a un an, le lycée a dû changer de local avec l’école de médecine et a été transporté à Gul-Hané, dans le voisinage de Stamboul. Ce déplacement, qui l’éloigne des quartiers habités par les chrétiens et lui affecte un immeuble convenant beaucoup moins que l’ancien à sa destination, a été considéré avec raison comme une satisfaction donnée aux ennemis de la France ; aussi la plupart des fonctionnaires français ont-ils cru devoir se retirer. Le lycée de Galata-Séraï n’a pas cessé d’exister, et, tel qu’il est, il peut encore rendre des services ; mais il a changé de nom, comme si on avait voulu par là effacer le souvenir de son origine ; les programmes ne tarderont pas sans doute à être modifiés, et il est à craindre que le français n’y remplisse bientôt plus qu’un rôle secondaire. Examinons ce qu’il a produit dans la première période de son existence, sans cesse tourmentée.

Avant l’ouverture du lycée de Galata-Séraï, il était permis de se demander si ce n’était pas poursuivre une chimère qu’espérer faire vivre ensemble, participant aux mêmes exercices, prenant la même nourriture, couchant dans les mêmes dortoirs, des enfans appartenant à toutes les nationalités qui peuplent et divisent la Turquie. Les faits ont prouvé que les craintes ressenties à cet égard étaient mal fondées : sans doute il existait dans un pareil milieu des susceptibilités et des défiances toujours en éveil et dont il fallait se préoccuper sans cesse ; mais l’enfant a par-dessus tout le sentiment de la justice, et, en établissant partout une sévère impartialité, il a